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Mes virées, mes carnets...Bienvenue chez moi. C'est-à-dire nulle part.

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26 octobre 2013 6 26 /10 /octobre /2013 15:05

 

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L'étape suivante, c'était Alep. Histoire de voir, et de tester les lignes intérieures et leurs prix dérisoires, et pour s'économiser un peu de bus, nous voici survolant la Syrie.



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Et voici la Syrie, survolée par nous.

 

Mais se lever au milieu de la nuit pour fuir Damas a son prix. Nous arrivons à Alep aussi épuisés qu'en bus, et après une longue sieste, nous commençons à nous traîner dans les rues d'Alep Droit vers le souk, comme si c'était devenu un réflexe, partout où nous allons, droit vers le souk. Et pour tout vous dire, nous le traversons plutôt rapidement. La vieille ville grouille d'activité, oh oui, mais nous avons dû choisir la mauvaise porte, l'entrée des artistes. Il n'existe aucune photogrpahie de ces moments, tant ils étaient angoissants. Une tension jamais ressentie jusqu'alors. Des regards franchement hostiles. Un type étrange qui se plante devant nous, mâchoires et poings serrés, avant de continuer son chemin. Ce qui est peut-être un ivrogne, un homme d'une quarantaine d'années, en slip, couché dans le caniveau, dodelinant la tête, et se roulant dans ses excréments. Et lorsque nous haussons et fronçons les sourcils, les regards alentour semblent nous faire comprendre que nous sommes déplacés.

Nous filons, voilà bien ce que nous faisons. Damas était parfois tendu, Alep est carrément flippant.

Au bout de la course, comme un refuge, la citadelle d'Alep. Un château très occidental en pleine ville, perché sur une butte de pierre, encerclé de douves, et un pont-levis pour y accéder. Une forte affluence, malgré l'heure tardive. D'ailleurs, l'un des gardiens, très nerveux, nous explique qu'un « docteur de l'Islam » célébrissime doit arriver d'une minute à l'autre pour donner une conférence à l'intérieur, et que les visites sont impossibles. Il semble que je sois toujours dans le passage d'une huile cléricale, où que j'aille (cf. celle-ci). Puis il se ravise sans qu'on ait eu besoin d'insister, et nous laisse entrer gratuitement « pour une demi-heure ».



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Pour le point de vue, cela valait le coup. Panorama d'Alep au soir, imprenable. Et comme tout le monde semble se masser vers un amphithéâtre, on peut prendre les ruines de l'intérieur de la forteresse sans touriste.

 

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Justement, les organisateurs testent les micros, et on voit bien que la foule commence à être importante. La règle du touriste étant inverse de celle du reporter, il vaudrait mieux dégager la piste et ne pas se trouver au milieu de l'action, si action il devait y avoir.

 

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Trop tard. Nous croisons le « docteur de l'Islam », entouré d'un service d'ordre qui n'encourage pas du tout à la photographie touristique (toujours pas de photo, donc), mais l'enthousiasme grandissant autour de nous est un bon indicateur : même si l'on n'a pas peur des mouvements de foule, on sait qu'il vaut mieux les fuir.

Seulement voilà. Lorsque nous arrivons à la porte, c'est bel et bien trop tard, puisque lesdites portes médiévales ont été bouclées comme aux heures de grande invasion : on n'entre plus, alors même que les spectateurs continuent de se masser de l'autre côté. Nous nous retrouvons même dans une espèce de sas, entre deux de ces portes. La tension, puis la confusion. Trop d'invitations ont été envoyées, et les gardes sont complètement dépassés. L'un d'eux sort son pistolet et le pointe vers le plafond. Là, croyez-moi, on s'écrase.

Et quand d'autres gardes entreprennent de séparer les touristes des Syriens, pour nous parquer dans un bureau vitré surplombant la scène, on est soulagés, mais... Pas tellement rassurés. Le garde au pistolet, jeune, très excité, empoigne le gamin de quelques années son cadet qui lui résistait, et deux autres gardes se joignent à lui pour le menotter, l'emmener dans un bureau similaire au nôtre, exactement en face de nous. Deux vitres nous séparent, et à nos pieds, la foule. Les gardes giflent le gamin à tour de bras, lui collent le visage contre un bureau. Haut-le-corps général. A ce moment, tout peut arriver. Les copains et moi, on observe, paralysés. Curieux comme, alors précisément que nous sommes séparés de la réalité par deux épaisseurs de verre, nous sommes pourtant plus proches que jamais des faits que nous voyons normalement à la télévision, en pleine réalité.

Et alors... Dans le silence de notre bureau, la voix d'un jeune touriste dit... « On devrait peut-être prendre des photos? ». Je sursaute, me tourne à demi vers lui et lâche : « Surtout pas. »Et le gamin en reste là. De l'autre côté, les uniformes se sont repris, ils nous ont vus peut-être, et dans cet instant d'indécision, la fraction de raison l'a emporté, ils préfèrent parier sur la détente, et les voici qui libèrent le môme, lui donnent des tapes amicales dans le dos, le font asseoir. Bientôt, ils ouvrent grand les vannes, et nous escortent à la porte, au revoir au revoir, et nous voici recrachés par le dragon de pierre.



 

Il me reste deux clichés de cet épisode. Je ne sais plus exactement à quel moment j'ai déclenché, sans doute avant d'être pris dans le maelström de départ. Comme vous pouvez le voir, le capot de mon compact s'est coincé. Quant à déclencher dans les minutes suivantes... Aucun regret. P1010250.JPG

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12 octobre 2013 6 12 /10 /octobre /2013 15:10

Omeyyades. 

 

Je suis un athée, un sans-dieu. Je n'ai ni religion ni regret de n'en avoir pas. Je fais partie de cette communauté qui se dit sans communauté. Enfant, j'ai cru que la religion disparaîtrait de mon vivant. Pas de mon fait, quand même. Le temps a passé, en observant le monde et ceux qui l'arpentent, je me suis fait une raison. Ni de mon vivant ni de mon fait. La religion dure et perdure, même sans moi. J'ai appris à comprendre ce qui l'avait créée, la fameuse étymologie, le lien entre tous et chacun. Ca ne m'a pas expliqué les bûchers, les martyres, les tortures, les haines. Mais j'ai compris.

Je viens d'un pays où, qu'on s'en réjouisse ou s'en lamente, les églises sont vides. A plus de 95%. Elles sont très belles pour une grande part, et inspirent encore le silence à qui les visite, sans doute une force rémanente de sa vigueur passée. Sans doute aussi que les architectes d'autrefois savaient construire le silence. Les églises d'aujourd'hui sont comme les épaves des bateaux de guerre. On devine la vie de naguère en les rêvant, et on jouit du froid silence enveloppant en les arpentant.

Les mosquées du Moyen-Orient, pour de nombreuses raisons historiques, sociales, religieuses, et politiques, et même tout cela à la fois, sont bien vivantes, et pour beaucoup, palpitent comme le faisaient les églises encore jeunes : en désordre de marche.

 

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De jour, la fameuse mosquée des Omeyyades se repère de loin



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Sa force spirituelle semble d'ailleurs irradier au-delà de ses murs légendaires.




 

***

 

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Et à l'intérieur, le croyant est aussi un touriste




 

***

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La nuit m'a bien plus marqué encore. Sa beauté s'est mêlée à celle de la pierre, et aux étoiles répondaient les cris d'enfants.




 

 

 

Voilà. Damas en 2010, c'était cela, et sans doute beaucoup plus, mais le hasard de notre voyage ne me laissait pas le temps d'explorer davantage. Un abord rugueux, sans doute, mais une vie intense et qui ne semblait pas s'inquiéter beaucoup de ce que nous autres, étrangers, exotistes, voyeurs, touristes, pouvions bien en penser. Après quelques tours et détours, nous étions de retour en Syrie, à Alep cette fois. 

 

 

 


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9 octobre 2013 3 09 /10 /octobre /2013 15:06

Un mot en passant/a quick word. 

 

J'ai été fort occupé/I was quite busy

 

Je n'ai rien posté/I posted nothing

 

Je n'oublie pas ce que je dois/I don't forget what I owe

 

J'espère que vous m'attendrez/I hope you'll wait for me

 

Jusqu'à samedi!/Til saturday

 

Pour le nouvel épisode/For the next episode

 

En attendant, un complément/In the meantime, a complement

 

Une photo de Damas la nuit/A picture of night-time Damascus

 

Avant. / Before. 

 

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29 septembre 2013 7 29 /09 /septembre /2013 11:47

Gens de nuit

 

Nous sommes revenus. Il le fallait bien. Impossible de rester cloîtrés dans un hôtel quand le monde nous attend. C'est l'une des règles du voyageur : ne descendez pas dans un hôtel trop confortable. Vous devez sortir. L'idéal est un hôtel sans TV ni Internet.

 

C'est le soir, et nous reprenons la seule direction possible : plein est, droit sur le souk. Nous y avons repéré un restaurant dont le toit constitue la terrasse ultime.

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Le soir, le souk de Damas est beaucoup, beaucoup plus vivant. Agité, nerveux, bruyant. On y achète et on y vend toujours, bien sûr, mais on y traîne, on s'y détend, on s'y rencontre.

 

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L'une des attractions légendaires est ce marchand de glaces.

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Grand succès.

 

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Je sais que cette photo est loin d'être parfaite, mais elle me rappelle le visage le plus souriant de la Syrie. A une époque où une glace couverte d'éclats de pistaches était la grande affaire d'un soir à Damas. 

 

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Nous y rencontrons nos presque seuls interlocuteurs syriens. Ces deux jeunes filles nous offrent la conversation classique et tant attendue sur notre visite. Il était grand temps d'un sourire.

 

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En rentrant à l'hôtel, après notre festin, l'ambiance est retombée d'un coup.

 

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La promenade est terminée, place aux dernières affaires du jour. Ventes peut-être sauvages dans les allées du souk fermé, passants se hâtant vers leurs foyers.

 

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Ces marionettes veillent encore un temps, pendues aux colonnes du temple de Jupiter.

 

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Seul le trafic semble inchangé. J'ai toujours eu la sensation que tandis que le monde s'en va coucher, un peuple nomade continue d'arpenter les veines et les artères de la planète pour la maintenir en vie. Paradoxe. 

 

 

 

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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 11:59

Gens de jour. 

 

Comprenez-moi bien. J'ai arpenté l'Iran, deux séjours en deux ans, de deux et trois semaines. C'est peu et beaucoup. Certainement pas assez pour faire de moi un spécialiste, un orientaliste, un savant. Un bon touriste, probablement. Un voyageur. Un flâneur. Assez de temps pour m'imprégner, pour oublier que j'étais censé rentrer. Le temps, sans doute, mais l'ambiance, aident. L'ambiance, c'est l'humain. Peu importe le cadre, au fond, pourvu qu'on s'amuse. J'ai connu des gens heureux dans la misère, et de riches désespérés. C'est une platitude, mais une réalité aussi.

Pourquoi parler de l'Iran quand je vous raconte la Syrie? Parce que les deux pays sont liés géopolitiquement? Non point. Au niveau des dirigeants, des grands chefs qui manigancent, oui, mais ceux-là, je ne les ai pas rencontrés. Je vous le dirais si c'était le cas. Au niveau du petit peuple, des gens comme vous et moi, les liens entre les deux pays sont à peu près invisibles. En Iran, personne ne m'a jamais parlé de la Syrie, et vice-versa.

Mais pourquoi alors? Parce que mes voyages en Iran ont marqué ma vie, ma vie de voyageur pour sûr, mais pas uniquement. C'est simple à résumer : vous sortez de votre hôtel, et cinq pas plus tard, vous êtes engagés dans une conversation. On vous souhaite la bienvenue, on vous invite, on vous encourage, on vous conseille, on vous défend contre la police.

 

En Syrie, je n'ai passé que peu de temps, je n'ai fait que passer. Je n'ai vu presque personne. J'ai vu des passants. Ils m'ont regarder passer. A Damas, on passe. A l'exception du très jeune tenancier de l'auberge de jeunesse, un peu plus causant et marrant.

 

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Les Damascènes ne prêtent guère attention aux touristes. Ils y sont habitués, ils vivent leur vie. Ils n'ont pas à entrer en contact avec eux, soit parce que ce serait mal vu par les suspicieuses autorités, soit, pour d'autres, parce qu'ils voyagent tant qu'ils veulent, et ne sont guère émus par la vue d'un étranger. 

 

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Pas d'hostilité, mais pas de contact. L'impression de les observer de loin. Une sensation vaguement embarrassante. 

 

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Quoi que l'on achète, quoi que l'on cherche, on le trouve au souk. 

 

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J'ai presque toujours l'impression de voler les images. En Syrie plus qu'ailleurs. 

 

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Ce n'est pas ici que je surmonterai ma tendance à "tirer dans le dos"! 

 

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On trouve de tout, vous dis-je. 

 

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Y compris un personnage. Le vendeur de thé ambulant est une institution du souk, immortalisé à son entrée. 

 

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Nous poursuivons notre chemin, et cela peut surprendre, mais nous quittons le souk pour retrouver la gare de train construite au début du XX° siècle : P1010045.JPG

 

Nous savons que cette gare, qui n'accueille plus aucun train, abrite désormais une librairie et un café. P1000963.JPG

On aperçoit la tranchée où passaient les trains. Pourquoi sommes-nous dans ce café? 

 

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Parce que c'est la Coupe du Monde (nous sommes en 2010), et que même sans être footeux, l'événement a son charme, surtout à l'étranger. Au Liban c'était l'Evénement. Ici, dur de trouver un café. Ambiance 100% masculine. On reste entre soi.

 

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15 septembre 2013 7 15 /09 /septembre /2013 00:08

2 Souk.

 
Que n'a-t-on déjà écrit sur le bazar? Le souk? Ces deux mots qui sont passés dans la langue française pour désigner le désordre? Une certaine injustice quand on a fréquenté le véritable bazar, qui n'a de désordonnée que l'apparence. Oui, il y a le bruit, la cohue. Les commerçants, eux, tiennent toute la marchandise parfaitement en ordre, et comme tous les marchés du monde, les codes sont stricts, qu'il s'agisse des horaires d'ouverture ou du marchandage.
Le souk de Damas, c'est son quartier ancien, sa vieille ville. Je serai honnête : je n'ai pratiquement rien vu d'autre à Damas. Les deux hôtels que nous avons testés, le café caché dans l'ancienne gare de chemin de fer, et le chemin pour aller au souk.
La ville moderne est sans grand charme, sans doute parce qu'elle ne propose rien de la vibrance du souk. Foutu souk. S'il n'était pas là, peut-être que la Damas moderne n'aurait pas à souffrir du contraste.

 

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Génie moyen-oriental, comme tous les souks, celui de Damas est couvert. Fraîcheur, rais de lumière.

 

 Vous ne pouvez pas comprendre. Quand je repense à cette journée, j'ai l'impression que tout le début de la journée était sur-exposé. Tout blanc. Trop de lumière, trop de chaleur. Et soudain, la fraîcheur, le calme.

 

 

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Oui, le calme, car le souk de 15h est pour ainsi dire vide, les commerçants traînent devant leurs échoppes.

 

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Pas de cris et hurlements, guère de négociations.

 

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La plupart des achats semblent se régler paisiblement, et avant tout, les passants passent vite, affairés, peut-être traversent-ils le souk uniquement pour profiter de son ombre, de sa fraîcheur, de sa senteur.

 

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Nous n'attirons pas l'attention dans le souk. Pourtant, on détonne un peu.

 

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Des touristes, il y en a, et plutôt beaucoup. Les vendeurs de toute sorte ne tentent guère de leur proposer des produits de consommation courante. Quelques antiquaires proposent de visiter leur boutique, garantissant des prix battant toute concurrence.

Le souk, c'est finalement une certaine tranquillité, et nous commençons à mieux voir les Syriens, des gens beaucoup plus farouches que les Libanais que nous avons laissés le matin même. La réalité est malheureusement facile à comprendre. Chacun regarde par-dessus son épaule. Ou par-dessus celle du voisin, dit-on.

 

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Le portrait du raïs est omniprésent, associée parfois à d'autres personnalités importantes du Moyen-Orient, tel le Cheikh Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah libanais :

 

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Ce dernier visiblement une star locale

Pour autant, la présence policière n'est pas pesante au cours de cette première journée. Une ambiance générale très différente, c'est tout. En passant la montagne, nous avons changé de monde. La Méditerranée est loin à présent, la Corniche de Beyrouth, c'est un fantasme. Ici, je n'irai pas par quatre chemin : on ne rigole pas des masses. 

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6 septembre 2013 5 06 /09 /septembre /2013 16:11

3 Juillet 2010. 



Damas. 



Je me souviens d'un voyage en mini-bus, en micro-bus, en fourgonnette blanche à trois rangées de sièges, de genoux bloqués par le siège devant moi, de peut-être deux heures d'attente à la gare routière Charles Hélou à Beyrouth pour passer en Syrie. 

Je me souviens des probables 40 degrés à l'ombre. Le calme instinctif. La machine te dit, ne t'agite pas, ne t'impatiente pas, l'impatience fait battre le coeur, et ça donne chaud. Tu ne veux pas avoir plus chaud que ça.

Christophe et Christophe sont assis à côté de moi, et s'impatientent. Ils ont raison sur le fond, mais pas ici. Le chauffeur empeste le sale con, une coupe mulet bizarre, il parle trop, trop vite, trop fort, comme tous les truands du transport de pèlerins. Tous nous ont dit, « ne prenez pas les grands bus, ils sont lents, le passage de la frontière est trop long. Prenez un mini-bus ». Plus je regarde le chauffeur, jeune, un peu gras, fumant une clope et causant avec des types désoeuvrés qui embarqueront peut-être avec nous, plus il me rappelle une longue ligne de truands au volant, qui m'ont pris deux à trois fois le prix normal d'une course, ont failli me tuer en conduisant comme des aveugles, ou ont essayé de m'emmener dans un hôtel sordide tenu par un comparse.

Nous partons enfin, il fait un premier arrêt pour changer des dollars, ce que tout le monde est censé faire. Je lui dis que j n'en ai pas, des dollars, que j'ai des euros, et que je ne vois pas pourquoi j'en changerais. Il semble paniqué : « Pas de dollars?! » Impossible de comprendre pourquoi les dollars sont si importants à ce stade. Nous avons déjà payé notre course en livres libanaises, et nos visas ont été payés à l'ambassade de Syrie à Paris. L'autre accepte finalement de rembarquer, enr oute pour le poste-frontière, premier passage de douane terrestre au Moyen-Orient pour nous. Cohue totale aux guichets, nous enfonçons nos mains bien profond dans nos poches. Même si nous n'y avons rien, nous ne voulons pas y trouver d'autres mains que les nôtres. L'affreux à coupe mulet nous envoie payer un visa, à présenter à un autre guichet. Après des coudes, des orteils, des épaules, des cris et des apostrophes, le guichetier, pas du tout, mais alors pas du tout jouasse, examine nos passeport et lâche : « Pourquoi avez-vous payé? Vous avez déjà un visa. ». Je triomphe de la déconfiture du chauffeur, qui y trouvait sûrement un intérêt ou un autre. Je ne saurai jamais lequel, mais je sais qu'un chauffeur de mini-bus a toujours un intérêt à vous faire payer deux fois un visa. Et tandis que le douanier du guichet exige à présent de voir les papiers du chauffeur terrorisé, nous nous faisons rembourser la somme indue.

Bon sang, le passage du Liban en Syrie est une routine, un classique de cette région. Tout le monde l'a fait, et chacun y va de son conseil. Pourquoi fallait-il tomber sur un idiot? La réalité est peut-être autre. Peut-être que, contrairement à ce que la légende aime à colporter, le backchich n'est pas si obligatoire, et peut-être même dangereux lorsqu'on s'aventure dans un régime peu porté à la rigolade.

Il ne reste aucune image de cet épisode, à ma connaissance. J'y vois deux raisons : nous étions trop écrasés sur le trajet pour dégainer l'appareil photo, et quant au poste frontière, il existe une règle, tout à fait explicite, valable dans le monde entier : ON NE PREND PAS DE PHOTOS AUX FRONTIERES. Et on se méfie des uniformes. 

Venant de Beyrouth, Damas, c'est la rentrée des classes. Fini de rire. Plus de jolies jeunes femmes en jupe, de garçons riant fort en conduisant des voitures beuglant musique. Plus d'enfilades de terrasses. La première impression de Damas est celle d'une chaleur à nous aplatir sur l'asphalte et chuchoter pitié. Damas, c'est âpre, c'est rude, c'est rugueux. Ici, on ne parle plus anglais, plus français, et on n'a pas le temps de vous le dire. Le flic me dit « Arabyi » en s'éloignant, me signifiant qu'il ne m'indiquera mon chemin que lorsque je maîtriserai la langue.

Les collègues et moi, après avoir largué les bagages dans un hôtel vieillot, on claudique vers le souk. On traverse des zones ni urbaines ni industrielles, des axes :

 

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Peu avant d'entrer dans le Souk, on trouve enfin de quoi se désaltérer : une orangerie. Là, les damascènes s'arrêtent quelques instants, sirotent, causent et repartent. A Damas, fais comme les Damascènes. Du moins, comme les hommes, car ce jour-là du moins, la clientèle du coin est masculine. Sur le moment, ça ne nous frappe guère, mais ça viendra.

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Là, les damascènes s'arrêtent quelques instants, sirotent, causent et repartent.

 

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L'un des deux Christophe, arrivé la nuit même de France, via Chypre. La Vitamine C va lui redonner un coup de fouet. 

 

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A Damas, fais comme les Damascènes. Du moins, comme les hommes, car ce jour-là du moins, la clientèle du coin est masculine. Sur le moment, ça ne nous frappe guère, mais ça viendra.

Première photo volée mal fichue. A l'époque, je me croyais encore malin en shootant à l'aveugle, à hauteur de torse, sans regarder, en espérant la sérendipité photographique. J'en suis parfois encore là. Les photographes sont souvent de grands timides. Ils tirent beaucoup dans le dos, aussi.  

 

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