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Mes virées, mes carnets...Bienvenue chez moi. C'est-à-dire nulle part.

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6 septembre 2013 5 06 /09 /septembre /2013 16:11

3 Juillet 2010. 



Damas. 



Je me souviens d'un voyage en mini-bus, en micro-bus, en fourgonnette blanche à trois rangées de sièges, de genoux bloqués par le siège devant moi, de peut-être deux heures d'attente à la gare routière Charles Hélou à Beyrouth pour passer en Syrie. 

Je me souviens des probables 40 degrés à l'ombre. Le calme instinctif. La machine te dit, ne t'agite pas, ne t'impatiente pas, l'impatience fait battre le coeur, et ça donne chaud. Tu ne veux pas avoir plus chaud que ça.

Christophe et Christophe sont assis à côté de moi, et s'impatientent. Ils ont raison sur le fond, mais pas ici. Le chauffeur empeste le sale con, une coupe mulet bizarre, il parle trop, trop vite, trop fort, comme tous les truands du transport de pèlerins. Tous nous ont dit, « ne prenez pas les grands bus, ils sont lents, le passage de la frontière est trop long. Prenez un mini-bus ». Plus je regarde le chauffeur, jeune, un peu gras, fumant une clope et causant avec des types désoeuvrés qui embarqueront peut-être avec nous, plus il me rappelle une longue ligne de truands au volant, qui m'ont pris deux à trois fois le prix normal d'une course, ont failli me tuer en conduisant comme des aveugles, ou ont essayé de m'emmener dans un hôtel sordide tenu par un comparse.

Nous partons enfin, il fait un premier arrêt pour changer des dollars, ce que tout le monde est censé faire. Je lui dis que j n'en ai pas, des dollars, que j'ai des euros, et que je ne vois pas pourquoi j'en changerais. Il semble paniqué : « Pas de dollars?! » Impossible de comprendre pourquoi les dollars sont si importants à ce stade. Nous avons déjà payé notre course en livres libanaises, et nos visas ont été payés à l'ambassade de Syrie à Paris. L'autre accepte finalement de rembarquer, enr oute pour le poste-frontière, premier passage de douane terrestre au Moyen-Orient pour nous. Cohue totale aux guichets, nous enfonçons nos mains bien profond dans nos poches. Même si nous n'y avons rien, nous ne voulons pas y trouver d'autres mains que les nôtres. L'affreux à coupe mulet nous envoie payer un visa, à présenter à un autre guichet. Après des coudes, des orteils, des épaules, des cris et des apostrophes, le guichetier, pas du tout, mais alors pas du tout jouasse, examine nos passeport et lâche : « Pourquoi avez-vous payé? Vous avez déjà un visa. ». Je triomphe de la déconfiture du chauffeur, qui y trouvait sûrement un intérêt ou un autre. Je ne saurai jamais lequel, mais je sais qu'un chauffeur de mini-bus a toujours un intérêt à vous faire payer deux fois un visa. Et tandis que le douanier du guichet exige à présent de voir les papiers du chauffeur terrorisé, nous nous faisons rembourser la somme indue.

Bon sang, le passage du Liban en Syrie est une routine, un classique de cette région. Tout le monde l'a fait, et chacun y va de son conseil. Pourquoi fallait-il tomber sur un idiot? La réalité est peut-être autre. Peut-être que, contrairement à ce que la légende aime à colporter, le backchich n'est pas si obligatoire, et peut-être même dangereux lorsqu'on s'aventure dans un régime peu porté à la rigolade.

Il ne reste aucune image de cet épisode, à ma connaissance. J'y vois deux raisons : nous étions trop écrasés sur le trajet pour dégainer l'appareil photo, et quant au poste frontière, il existe une règle, tout à fait explicite, valable dans le monde entier : ON NE PREND PAS DE PHOTOS AUX FRONTIERES. Et on se méfie des uniformes. 

Venant de Beyrouth, Damas, c'est la rentrée des classes. Fini de rire. Plus de jolies jeunes femmes en jupe, de garçons riant fort en conduisant des voitures beuglant musique. Plus d'enfilades de terrasses. La première impression de Damas est celle d'une chaleur à nous aplatir sur l'asphalte et chuchoter pitié. Damas, c'est âpre, c'est rude, c'est rugueux. Ici, on ne parle plus anglais, plus français, et on n'a pas le temps de vous le dire. Le flic me dit « Arabyi » en s'éloignant, me signifiant qu'il ne m'indiquera mon chemin que lorsque je maîtriserai la langue.

Les collègues et moi, après avoir largué les bagages dans un hôtel vieillot, on claudique vers le souk. On traverse des zones ni urbaines ni industrielles, des axes :

 

Fast-Lane-Damas.JPG

 

Peu avant d'entrer dans le Souk, on trouve enfin de quoi se désaltérer : une orangerie. Là, les damascènes s'arrêtent quelques instants, sirotent, causent et repartent. A Damas, fais comme les Damascènes. Du moins, comme les hommes, car ce jour-là du moins, la clientèle du coin est masculine. Sur le moment, ça ne nous frappe guère, mais ça viendra.

Oranges-Damas.JPG

Là, les damascènes s'arrêtent quelques instants, sirotent, causent et repartent.

 

Cheers--Copier-.JPG

L'un des deux Christophe, arrivé la nuit même de France, via Chypre. La Vitamine C va lui redonner un coup de fouet. 

 

messieurs--1-sur-1---Copier-.jpg

A Damas, fais comme les Damascènes. Du moins, comme les hommes, car ce jour-là du moins, la clientèle du coin est masculine. Sur le moment, ça ne nous frappe guère, mais ça viendra.

Première photo volée mal fichue. A l'époque, je me croyais encore malin en shootant à l'aveugle, à hauteur de torse, sans regarder, en espérant la sérendipité photographique. J'en suis parfois encore là. Les photographes sont souvent de grands timides. Ils tirent beaucoup dans le dos, aussi.  

 

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