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Mes virées, mes carnets...Bienvenue chez moi. C'est-à-dire nulle part.

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12 décembre 2004 7 12 /12 /décembre /2004 00:30

Juste avant la Noël, voici mon petit bulletin irrégulier. Ah, vous croyiez peut-être que le Mexique avait fini par me digérer, que je m’étais peu à peu rassis, rasséréné et rassasié de tacos, de tequila et de bière citronnée? La gueule tannée, assoupi. De
jeunes Mexicaines au sourire ensorceleur achevant de m’ensiréniser et de me laisser, Ulysse échoué, sur le rivage crasseux d’un trottoir de la capitale?

Eh bien non. Répondant à l’appel du devoir, mais aussi à celui de la gloire et de l’égolâtrie la moins avouables, je passai au-dessus de la tête de nombre d’entre vous, il y a un peu plus d’une semaine. L’Allemagne me réclamait, ou du moins me lançait, par-dessus l’Atlantique, de grands signes de l’aile, et comme ceux qui me connaissent le savent bien, je ne sais pas dire non.

On m’avait donc proposé de quitter ma retraite studieuse mexicaine pour me congeler et converser au sein protecteur d’un château fin dix-neuvième, converser donc, de l’un de mes sujets de prédilection: le polar, sa vie, sa vitalité. Et on ne me proposait rien moins que d’animer un débat sur le national-socialisme et sa représentation, au milieu d’un plateau composé de Français, d’Allemands et de Polonais. Ca allait donner mes amis, on allait voir ce qu’on allait voir. Je ne vous assommerai pourtant pas du récit dudit colloque en lui-même, cela sera fait en temps et en heure sur Arts Sombres.

En revanche, je vous ennuierai aujourd’hui de mille et une remarques qui viennent à l’esprit de l’Européen qui retrouve la mère patrie européenne pendant quelques jours, après un premier exil de trois mois. 


Résumons les épisodes précédents pour ceux qui nous rejoignent: muni d’un baluchon et de mon fidèle AK-47, je partis, les poings dans mes poches crevées, là où le vent devait me porter, c’est à dire assez loin de l’ombre plus vraiment protectrice des Assedics de France, pour un pays où des hordes d’élèves me poseraient sans fin les questions rituelles: pourquoi es-tu venu au Mexique? Qu’est-ce que tu penses du Mexique? Tu as une copine?, et le tout pour un confortable salaire de 500€ bien tassés. 
Arrivé fin août, mon été ne s’était donc pas achevé, et je pouvais glousser méchamment en voyant les natifs porter gants, bonnets et écharpes dès que la température descendait sous les 18 degrés Celsius. Je ne tardai d’ailleurs pas à me retrouver prisonnier de ma propre bravacherie, puisque les collègues de toutes
origines notant mon obstination au port de la sandale et de la chemisette, je me retrouvai contraint à ne pas faire mentir la légende naissante, et forcé de friser l’engelure lorsque la température se hasardait sous les dix degrés. C’est tant pis pour moi, la légende est à ce prix. Et puis, tous ces orteils sont-ils vraiment nécessaires?
Bon, cette fois, l’Allemagne, ça allait être du sérieux. La fin d’automne au pays de Franz Biberkopf, (quand lirez-vous tous Berlin Alexanderplatz???), ce n’est pas pour les muchachos, il allait falloir réintégrer chaussettes (mes pieds, cher Oedipe,
auraient-ils enflé autant que mes chevilles? Pris au moins trois tailles!) et chaussures, et même costume, parce que dans un pays où on s’intitule “professeur”
ou “docteur”, il ne s’agirait quand même pas de se promener en t-shirt de heavy metal. Quoique... 
Abandonnant quand même le pull pour pouvoir voyager léger, je partis donc.

D’abord, c’est très loin, l’Europe, savez-vous? Très.
Plus encore que je ne m’en souvenais: L’arrivée à Heathrow, goddamn aéroport terne, me doucha vite fait, car en fait d’Européens, je tombai, nez cassé, sur des
Anglais. Plein. Des tas d’Anglais. Déja que certains malotrus mexicains m’offensent régulièrement en me causant l’angliche, mais là... Que de l’Anglais à
parler, donc. Pas bien drôle. Les anglais encore moins. Peut-être plus hautains encore que ces nigauds d’américains qui, occasionnellement, me toisent, moi le traître de Français qui n’a pas le cran d’aller mourir pour du pétrole, oui, mais de mort lente... Ne croyez pas que je préjuge à répétition, tout ça c’est du vécu avec un grand V, bon nombre d’Américains semblent vraiment manger des Freedom Fries, les niais.

Alors les anglais, donc. Pas bonne impression. Je n’avais pas mis les pieds sur l’île depuis presque quinze ans (savez vous qu’on devient vieux quand on peut dire des trucs comme “ça fait quinze ans” et en avoir le souvenir frais?), j’en avais gardé un bon souvenir, à base de petits sandwiches triangulaires au concombre, dégustés sur un ferry tanguant pendant que mes camarades de classes verdissaient à vue d’oeil, bien fait, ce n’était pas des camarades. L’Angleterre de mes souvenirs était un pays pas plus froid ni pluvieux que ma saloperie de Picardie marécageuse, avec des gens pas plus rougeauds que moi-même, qui mangeaient du poissont frit et des frites molles avec un enthousiasme aussi sympathique que leurs châteaux étaient propres et en flammes (Eh oui, Windsor, remember...).
Ben cette fois j’ai pas aimé. Que voulez-vous? Le business man moyen, celui qui, tout en coudes et en gras, veut vraiment votre accoudoir pour s’y vautrer en rédigeant son e-mail mesquin (cher Allan, qui que vous soyez, il semble que vous vous approchiez plus de la porte que de l’augmentation), siroter un verre de blanc en guise de quatre-heures, et se foutre vigoureusement des consignes qui suggèrent, pour la santé, la sécurité et le futur de tous, d’éteindre ce satané ordinateur portable au moment de l’aterrissage...
Un business-man ne fait pas le briton, me direz-vous.
Ah mais c’est que l’exception anglaise, c’est aussi fait de petits riens qui énervent, comme de vous inonder de leur monnaie de singe en guise de retour sur un billet de 20 €, le tout pour un paquet de biscuits. Ces deux pièces qui trônent sur ma table, m’irritent chaque jour...

Bon, je suis donc à Heathrow , là, le fameux airport, où j’ai une poignée d’heures à tuer avant d’embarquer pour Berlin. Je m’ennuie à cent sous de l’heure, j’ai déjà fini mon polar ou peu s’en faut, je relis des communications pour le colloque, je bricole des questions. Je regarde autour de moi. Je ne vois que des Anglais, quelques Allemands peu à peu.
Sautons en avant de quelques heures. Je suis maintenant à l’aéroport de Berlin Tegel, à attendre un comité d’accueil venu trop tôt, revenu trop tard, que je louperai finalement complètement. Voilà-t-y pas que je dois parler. Mais vraiment parler. A des hôtesses, des chauffeurs de taxi. Plus tard, à l’aimable tenancier de nuit d’une auberge de jeunesse. A la serveuse charmante qui m’apportera une tranche de foie
dans une sauce savoureuse à en pleurer, avec purée de pommes de terre et pommes au four, raaaaaaaah si vous saviez l’effet que ça fait, une tranche de foie
saignante dans une assiette au coeur de la nuit du quartier Charlottenburg, quartier de gare, donc de bars louches, à putes si vous préférez, appelons les choses par leur nom, mais je m’égare.

Et donc, je parle. Ah, mais quoi? Quelle langue? Quel idiome privilégier? Le Français que bon nombre souhaite parler? L’Anglais, le cochon d’Anglais que je n’aime finalement que dans les films, si ça continue comme ça? Eh bien non, je prends mon courage à deux mains, et mon orgueil entre les dents, après tout j’ai repris l’Assimil pour défaire et enfin refaire ce que les pathétiques profs de misère ont fait semblant de m’inculquer SEPT ANS DURANT (mes élèves actuels, en un tel laps de temps, finissent bilingues. Prof, où est ta victoire?), bref, je me lance dans la langue de Goethe. Plus précisément, j’ai pour la première fois de ma vie des conversations qui dépassent les deux phrases. Et je m’en sors. Je balbutie, je tâtonne et je me vautre régulièrement, mais l’interlocuteur est patient. Il aide. Il comprend à demi-mot, rectifie avec bienveillance.

Et je me sens bien, délicieusement bien, avec mon Allemand de cuisine, qui me fait sonner comme un étranger cultivé plutôt que comme un touriste limité.
Car voyez-vous, les Anglais et autres Américains monoglottes (et les Anglosaxons qui liront ces lignes n’en prendront pas ombrage, puisqu’ils ne font pas partie de cette catégorie) ont un considérable désavantage: tout le monde les comprend. Rien de pire.
Aucune vie privée. Aucune conversation qui passe inaperçue. Remerciez Hollywood chaque jour, amis anglophones mais pas anglosaxons, de nous faire
découvrir tous les accents, tous les argots, toutes les expressions figées dans la tourbe, parce que dorénavant, nos maîtres sont bien sots, esclaves du premier porteur de bagage cinéphile qui peut détecter sans peine les intentions du touriste. L’Empire? Quelle blague! Conversez, même mal, dans la langue du pays, avec un autochtone, vous verrez si le prix est le même!
L’Anglais n’est plus une langue. Tout au plus un genre de canal sale, un ruisselet laid qui dessert à peu près tous  les égouts et collecte les eaux usées des cultures du monde. D’ailleurs vous l’avez remarqué: qui en a encore à faire de parler l’angliche?
Collez-donc ça fièrement sur votre cévé, petits enfants, et constatez: L’en faut une autre! Au moins une. Une vraie langue, pas le machin, là. L’anglais d’aéroport, de train, de tram, je ne sais.  Je suis un peu dur, là, sans doute, mais bon, mais c’est là mon expérience et elle vaut bien ce qu’elle vaut. Premièrement, si je résume: pourquoi passer pour un Anglais alors que ces mêmes Anglais nous prennent pour des buses? Deuxièmement: pourquoi passer pour un Anglais ou un touriste limité là où l’on peut gagner respect et amitié de l’autochtone? Troisièmement: Et puis qu’est-ce que c’est que cette langue sans subjonctif???

Ah, vous avouerez qu’en matière de jugements péremptoires et d’une mauvaise foi himalayenne, je ne crains pas grand monde. Mais comme dit un gars dans un
film: “ne me croyez pas, faites votre propre expérience, vos recherches...”

Bon, je vous laisse en vous économisant mon voyage de retour, vous diriez que je charge la mule: je ne vous parlerai pas de la vieille bique d’Outre-Manche qui fit du scandale pour me faire châtier d’oser abaisser le dossier de mon siège, ce qui, je suppose n’est pas autorisé, ou alors seulement pour les non-Français...

Vous ne me croiriez pas...

Mais j’ajoute quand même: Ô grand Cédric voyageur, c’est pas parce que je traîne mes guêtres dans le monde civilisé que je ne croise pas les pires sauvages.
Et quant aux autres, je rappelle que je ne suis toujours pas rémunéré pour la publicité éhontée que je fais à la maison Assimil...

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