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Mes virées, mes carnets...Bienvenue chez moi. C'est-à-dire nulle part.

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23 mars 2005 3 23 /03 /mars /2005 19:45

Quelque part près du Cerro Aro Pampa. Alt: 3656m. 15-17°C, 15h10.

Enfin la nature! Coincé entre deux cerros, bien installé malgré un mât de tente plus que foireux, pas de vent ou presque. Environ 4h-4h30 de marche depuis 8h ce matin. Environ 8km. C’est peu mais pas mal, considérant ma charge. Crevant sur la fin, on sent peut-être (enfin!)l’altitude. Je devrais arriver vers les 4000m demain, on verra bien. Physique ok, mollets et dos un peu durs ce soir, mais rien d’anormal considérant...

Hydratation en amélioration, +maté de coca. Ce soir, bonne grosse bouffe en prévision. Je ne pense pas augmenter le rythme, le poids me crève pas mal et surtout, j’ai conservé, voire augmenté mon avance. Comprends pas ces topos.

Revenons à hier. Tres Rios était effarant, Totoral était glauque. Glauque de misère.

Pour ma première virée dans le Tiers-Monde, je ne suis pas déçu. C’est de la vraie pauvreté, pas de la pauvreté de cinéma. D’ailleurs elle n’a rien de photogénique.

Jouer au ballon avec des mômes en guenilles n’a rien de glorieux, c’est déprimant. Hier soir, j’étais une curiosité, et j’ai fait en sorte de le rester. J’ai donc évité de les gaver de bonbons ou de pognon, comme s’il ne fallait pas perturber leur écosystème. et le pire, c’est que l’image correspond. “Prière de ne pas nourrir les pauvres!”. Ce n’est pas seulement moi qui n’ai pas ma place ici, c’est tout simplement l’homme blanc. Ou alors l’inverse, massivement, pour aider vraiment, donner des chussures, pas des sandales. Des écoles, pas des postes de télé. Et que les ravitaillements apportent plus de nourriture que de caisses de bière ou de soda.

La misère, c’est le mi-chemin. Le pas assez.

Civiliser? Ok, pourquoi pas. Je suis sûr que ces cholos seraient heureux de garder leurs yeux et leurs dents après trente ans, et de ne pas être courbés à en toucher le sol du nez à cinquante. Mais comment? Comment envoyer ici moins de Coca-Cola (un comble!) et plus de savoir-faire?

Je n’ai toujours pas la réponse, et la question n’est guère enthousiasmante.

Et la montagne dans tout ça? Elle est là, elle est là. Je suis bien lâche de m’y planquer ce soir mais une nuit à Totoral m’aura suffi. Je pense à tous ces faux-culs du tourisme organisé, ces pseudo-aventuriers qui cherchent une éthique mais aiment tant les visages d’enfants pauvres qui sourient. Ne parlons pas de ceux qui choisissent leurs porteurs népalais en fonction de leur âge, histoire de garder bonne conscience!

Si tu ne peux pas le porter, tu ne marches pas. Je refuse ici et à présent toute aide humaine ou animale pour me soulager. Je réussirai par moi-même ou bien j’échouerai. Comme je suis fier, ce soir, de mon dos endolori. C’est trop tard pour la marche arrière, de toutes façons.

Hier, le deuxième gusse du bus, puis l’immonde Ramiro, péruvien pourri, n’ont eu de cesse que d’essayer, clin d’oeil salace à l’appui, de me cuisiner sur les cholitas. Tas de porcs! Voilà votre fierté éthnique, voire nationale! Ramiro, traître à tes frères Aymara, et quant à l’autre, apparemment pas indien, double traître raciste! Voilà le Blanc dans la montagne: une pompe à fric, et du fric à faire couler dans les ruisseaux les plus sinistres. Même si cette internationale du machisme est universellement répugnante, elle atteint ici le vomitif. On y est, vendons nos soeurs et nos filles, pas seulement pour l’argent, mais aussi parce qu’elles ne sont que des femmes, et qu’on est entre nous, hein, entre hommes, on se comprend. Pour Ramiro, bien content de l’avoir fait un peu flipper avec mon passé imaginaire de vétéran. quand j’y pense, il devait se vieillir aussi (il annonçait vingt ans).

Aujourd’hui, mieux. Les campesinos me regardent toujorus, mais ils viennent me saluer, échanger trois mots sur ma destination (j’invente un rendez-vous avec des amis à l’étape suivante pour décourager toute hospitalité qui achèverait de me déprimer). Je ne compterai bientôt plus les vieillards édentés croisés sur le chemin. Va pour le pittoresque mais avec des limites.

Allez, bon, j’y suis. C’est déja pas mal tout ça. J’aurai au moins approfondi mon questionnement éthique.

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