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Mes virées, mes carnets...Bienvenue chez moi. C'est-à-dire nulle part.

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13 août 2007 1 13 /08 /août /2007 15:07

Mehrabad II, 22h57.


Conclusion? Pas de conclusion.

J’aimerais dire que rien ne sera comme avant après pareille virée, mais ce n’est sûrement pas le cas. Être blasé consiste, entre autres, à ne plus s’étonner de rien,e t par conséquent à prendre de moins en moins de plaisir aux choses. Ce ne peut être mon cas. La grande gifle des premiers jours de mes primes aventures en solitaire semble toujours moins forte, mais le plaisir, lui, demeure.

Je devrais donc conclure que même si cela devait même tourner à la routine, je persisterais à m’en aller chercher la vraie vie là où elle est, c’est-à-dire ailleurs.

Ça pourrait suffire, ce serait presque aussi pompeux que mes pires exaltations méditatives (cela étant dit, je les assume. Mieux vaut trop de passion que pas assez, et que ceux qui pensent le contraire passent leur chemin).

Je préfère clore sur la conversation, dernière (?) d’une longue série, tenue en farsi avec trois chauffeurs de bus, dans une rue du nord de Téhéran.

L’un écoutait, les deux autres blaguaient, demandaient, commentaient, s’esclaffaient et en redemandaient. Le simple plaisir d’une conversation avec des étrangers. L’un d’eux avait sur le visage le bonheur d’un gamin. Si ça se trouve, nous aussi.

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12 août 2007 7 12 /08 /août /2007 13:51
Je la ferai courte, l'un des derniers kebabs attend, ainsi que le thé ou le pont Trente-Trois.
 
Eh oui, nous sommes à Ispahan, Esfahan pour les initiés. Comment peut on être Persan? Aucune idée, mais ca semble pas mal. Le régime est épouvantable, les mollahs soufflent le chaud et le froid sans arrêt, le peuple ne se débarrasse jamais de l'inquiétude d'être arrêtés, observés, espionnés, mais malgré cela, on nous aborde sans cesse avec la plus extrême gentillesse, et les langues se délient très facilement. En francais, même, quelques fois.
 
Quant à Ispahan, je n'ai que peu à en dire. C'est exactement ce que vous pouvez en rêver, en mieux. On aura beaucoup traîné dans les bazars, on s'est usé la couenne au soleil, et blagué avec les meilleurs marchands de tapis du monde. Le tout abreuvés de thé. Non, je vous le dis, mes bons amis, il serait grand temps de nous imiter et de choisir la Perse pour destination. Arretez de perdre votre temps et votre argent en Europe! L'Iran vous attend! Et dites-vous qu'à chaque fois que vous discutez avec un Iranien, vous défrisez la barbe du Guide Suprême... Tentant, n'est-il pas?
 
Le carnet de voyage sera disponible, ainsi que des photos, dans les jours qui viennent, pour ceux qui en redemandent.
 
Khoda Hafez,
 
R et M.
 
PS personnels variés : Maman, on le repete, on arrive vers 15h30 et pas 17h30. Cédric Urbaniak,  on a tes dattes. Rodrigo, prépare le maté.
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9 août 2007 4 09 /08 /août /2007 15:05

Yazd toujours, 22h49.


Le patron d’ici me fait miroiter le gîte et le couvert contre des cours de français...

C’est une petite pépite irradiante qui se loge dans le coin sombre du débarras qui me sert de tête. Quitte-t-on jamais la confrérie des gentilshommes de fortune?

Partir, revenir, partir... Mieux encore, foutre le camp, sans rien ni personne aux trousses, que d’autres visions de soi-même.

Des questions qu’on ne pose pas, et surtout pas à soi-même, jamais! Les poser c’est y répondre. Ça rougeoie, faudrait un rien pour que ça crépite.

Comme les vieux poisons, pas d’antidote, juste une accoutumance, ça ne fait rien que revenir de temps en temps, comme un palud.

Résister, c’est seulement se résister soi-même. A qui, à quoi, sinon?

La société, la sociale, mais ça n’existe pas! La preuve, on en voit les pistons et la coulisse, c’est plein de trous.

Ça n’existe que quand on veut bien que ça soit là, qu’on rêve d’y être ou qu’on craint de n’y être pas. Tout ça, c’est excuses, prétextes et compagnie.

Y a-t-il un âge limite pour les rêves? La réalité, vaut mieux attraper ça quand on est petit, ou sur le tard? Y a-t-il des immunisés? Des traitements, des vaccins peut-être?

Ci ou ça, là ou là-bas, des pourquoi et des parce que... On devrait vraiment pas être sérieux quand on a dix-sept ans, et s’en souvenir après.

Qu’est-ce qui change? Qu’est-ce qui a changé? Qu’est-ce qui changera?


XXX


Ici, des fois, on reparle de révolution. Tout faire sauter, les mollahs à la lanterne. Pour sûr, je bicherais dur, forcément. Pour le principe, pour l’idée, déjà. La Révolution, on l’aime ou on l’aime pas, mais elle chatouille toujours l’âme, elle rougeoie, elle aussi. voir débouler tous ces perses beaux et intelligents, brandissant le drapeau de la raison contre la vieille fanfreluche superstitieuse, oui, un peu que tout le monde l’attend.

Cela étant, prudence, c’est un descendant de sans-culotte qui vous le dit. Les lendemains qui chantent à la lanterne des artistos, on a connu. La Révolution a donné, la Révolution a repris. La preuve ici-même! Triste à dire peut-être, mais ce beau pays coincé entre deux guerres, assis sur une flaque noire, cerné par les tuyaux de poêles gazeux a bien plus envie et/ou besoin d’une évolution que d’une révolution. Calembour, sophisme, fastoche, centre mou!!!...

Prudence.

Il y a un an, je voyais, au pire, un scénario khmer. Un retour de bâton en forme de tenaille sur la sale race (de tous les pays) : l’intello et son terreau moderne, les classes moyennes. Aujourd’hui, je dis : méfiance. Les militaires d’ici ont l’air de s’ennuyer ferme, on ne croise que des appelés qui bisquent d’être tondus tandis les Apaches plus fortunés passent avec de drôles de pâtisseries houleuses sur la tête. Même le flic se laisse aller, témoins ces grands dadais qui se vautrèrent complaisamment sur la rangée de bancs devant nous, dans la gare maritime de Bandar-e-Abbas, pour mieux nous écouter.

Malgré ces signes qui ne voudraient pas tromper, la charpente tient, et la main invisible n’est pas nécessairement moins dure.

Les fanatiques s’appellent “martyrs” ou “gardiens de la révolution”. L’armée régulière se dit “sepah”. Moi, je trouve ça drôle.

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8 août 2007 3 08 /08 /août /2007 15:03

Yazd, 22h33.


Se lever, se préparer, quitter l’hôtel, prendre un car, trouver l’hôtel, s’enregistrer, se coucher, se lever...

Des heures de car. Des pauses. Des néons étranges, trois couleurs qui inondent frénétiquement le pays, bleu, rouge et vert, et donnent le même aspect à des milliers de rayonnages qui portent des millions de paquets de chips et de corbeilles de tournesol.

Tout un chacun a sa provision, on dépiaute, crachote et picore à longueur de voyage.

Et dehors le désert blanchit. Parfois, incongrue, une montagne jaillit de la platitude. Le désert peut être plat, aussi recte qu’une mer. Il peut se taire ou hurler. Ici, il marmonne constamment. Il babille. Il plaisante. On vit en bonne intelligence avec lui, en voisins. On l’oublierait presque parfois, dans les allées couvertes, alors il revient taper sur l’épaule, murmurer à l’oreille.

Ce désert-là semble bon bougre, à abriter des villages, des villes même, qu’il ne daigne pas toujours engloutir, même quand leurs enfants les ont reniés. Pas bien loin, des hommes ont creusé des temples dans des falaises pour y adorer le feu. Ils ont édifié de larges tours pour confier leur morts au vent. Et ils ont raclé le sol pour y cultiver l’eau. Quand on tend l’oreille, on croit entendre le désert. Quand on se tait, on peut l’écouter.

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7 août 2007 2 07 /08 /août /2007 15:01

Kerman, 10h12.


Cars nocturnes, encore et toujours.

Climatisation desséchante, quelques-uns implorent qu’elle cesse, au moins périodiquement : leur arrivée d’air est glacée car cassée. Bien vite, il faut recommencer, on suinte. Bandar-e-Abbas est encore beaucoup trop près. Tout port est une porcherie, où se mélangent les puanteurs et le rance des vagues.

La mer sale, on blanchit comme arbustes et chardons de Qeshm. Pourquoi s’entêter à pousser sous une croûte blanche?

On dit qu’en hiver, les pèlerins de la grande salée s’entassent dans les blockhaus de la ville et se trempent (hommes et femmes, chacun sur leur plage...) à qui mieux mieux, sous 25 à 35°.

On dit aussi qu’ils en repartent les bras chargés de bimbeloterie technologique, payée sans taxe. Pour qui aime l’électro-ménager...

Été, morte-saison, mer insolée, ennui sur les trottoirs. 40 à 50°, même le pêcheur reste à quai. Sortir à la fraîche, mais rentrer aussi, dormir tant qu’on peut. La nuit, un peu de mouvement, des piétons vont de blockhaus vitré en snack vitreux. Quelqu’un a pensé aux cactus, mais eux-mêmes ont jeté l’épine. Ils blanchissent.

A l’autre bout de l’île, le village de Laft se marre et patiente. Les gens d’ici évitent une vache sur la route, vont tirer l’eau au réservoir ancestral. Les mômes jouent avec un chevreau. Une voiture par-ci, une voiture par-là. Le coucher de soleil est bon pour tout le monde, les mouflets qui se baignent près des vastes barges en construction, les vieux qui jabotent sur le parapet, et les chiens, les bons vieux chiens fatigués du monde entier, qui arpentent le village en connaisseurs : plus besoin d’ombre, mais d’une bonne pénombre.


15h36.


Une vaste promenade en guise de visite. Le bazar se perpétue dans les âges, on y vend du vieux et du neuf, de l’immémorial et du moche. Des graines. Des épices. Des légumes, secs. Des fruits secs. Des vêtements. Traditionnels, des copies de neuf à la mode. Des étiquettes de grandes marques. Des bagages. Des étoffes. Des cadenas, des serrures et des chaînes. Des tapis. Des montres (fausses). Des lunettes (idem). Des chaussures. Des casseroles permettant de nourrir plus de 100 personnes d’un coup. Des lecteurs DVD. Des pistolets en plastiques. Des hidjabs. Des uniformes. Des légumes (frais). Des bijoux. De l’or. Des paillettes. Des chaussettes. Des accessoires. Des colifichets. Des brimborions. L’utile, l’inutile sous un même réseau de galeries-allées en brique, avec mosquées et hammams qadjars intégrés. Le fantôme ancestral de la galerie marchande, qui offrait déjà fraîcheur et diversité.


XXX


Elle erre ou semble perdue sur un carré de trottoir. Ses grands yeux s’ouvrent de loin. Elle arpente et tournicote une prière dans la main droite, comme si cette feuille de méchant plastique guidait ses mouvements, avec l’incohérence de la brindille ballottée par le vent avant d’être arrachée.

Elle a l’air de chantonner, mais au vrai, sa voix bute sur deux notes et se brise, vaguelette sur une mer sans large. Ses grands yeux clairs, seuls, fixent. Un genre de petit frère se tient à quatre pas de là, à l’ombre, observant la scène comme une leçon.

De plus près, elle est belle. Son voile est vague, et flotte sur sa tête et ses épaules. Elle est peut-être baloutche ou afghane, les pauvres n’ont pas besoin de pays.

Sa voix est brisée et jolie, elle chante sa folie.

Dans sa main droite, une prière. A la place de sa main gauche, un moignon encore frais.


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6 août 2007 1 06 /08 /août /2007 13:46
Oh quelle surprise, il fait chaud dans le Golfe Persique! On vous l'aurait dit que vous ne l'auriez pas cru...
 
Ca va, cessez de rire, nous on a à peine la force de soulever nos cages thoraciques pour faire entrer un peu d'air. C'est donc différent et à peu près aussi infernal qu'à Shush, sauf qu'ici il y a la mer, et que la mer amène de l'air, mais il est sale et poisseux. Exemple : on sort du frigo, je veux dire de l'hôtel anciennement luxueux ou des colonies de cafards sortent à la nuit tombée pour venir nous chatouiller entre les orteils, on fait quelques pas, et une fois que la chemise colle bien à la peau, on cherche de l'ombre qu'on ne trouve pas. Bref, la clim est le seul ressort de survie du Blanc par ici, mais pas seulement finalement, puisque les Iraniens disent aussi qu'il fait sacrément chaud, preuve qu'il y a quand même des limites humaines à l'adaptation, et que trop c'est trop. Eux se cachent douillettement durant la plus grande partie de la journee, ceux qui doivent travailler n'ont pas de chance, sauf s'ils travaillent dans un hôtel ou un restaurant, là ils ont frais.
L'intérêt principal de l'île réside dans son paysage intérieur (le reste, on voit la mer... Bon, voilà, c'est tout. Je sais que certains d'entre vous me diront que c'est un spectacle fabuleux et "toujours recommencé", mais nous on est plutot montagne, alors ce coté-là, on en fait le tour). Des montagnes de sable, peu entamées par l'érosion (deux mètres de pluie par an), des déserts, une végétation africaine (pour ce que j'en connais), et de petits villages (un seul en fait) splendides au coucher du soleil (photos suivront, patience). C'est beau, c'est grand, c'est magnifique, mais c'est décidément chaud, je sais, je me répète.
 
Perversement, je dirais que ce palace à cafards (imaginez l'hotel de Shining, en version peinture qui s'écaille et vitres rongées par le sel), vide à plus de 95 pour cent, ainsi que la mortifère station balnéaire (tout est en style architectural germano-normand, annees 1940), me plaisent particulièrement. On a un peu l'impression d'être venu récupérer un microfilm contre une valise de dollars, chose qui doit arriver de temps en temps d'ailleurs (On ne nous demande plus si nous sommes Arabes, mais Russes...). Très romanesque.
 
Enfin, nous prîmes le thé sur la plage hier soir (photos suivront aussi, j'ai dit patience). Il n'y a pas de quoi se plaindre. Sauf de la chaleur, j'en ai déjà parlé? Bon, alors, fin de transmission, opérateur mort, je repete, fin de transmission, opérateur mort...
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4 août 2007 6 04 /08 /août /2007 13:39
Pas d'accents, des touches effacées... n'attendez pas un roman aujourd'hui.
 
Nous sommes à Shiraz pour encore quelques heures, trompant la chaleur cachés dans un café internet (ca sert aussi à ça, Mossieur Urbaniak). La ville est bien belle, elle me fait meilleure impression que la première fois. Nous nous sommes perdus dans le beau bazar, c'est fait pour ca, et avons visité Persépolis hier, sous un soleil couchant et une chaleur tout à fait acceptable comparée aux 40 a 50 degrés essuyes à Shush (alias Suse, à vos Bibles les Païens!), Shushtar et autres Choqa Zambil.
On aura bien profité de la température presque normale de Shiraz, puisque nous repiquons plein Sud, droit vers Bandar e Abbas et l'ile de Qeshm. Je ne veux même pas imaginer combien on aura par là-bas.
 
Parmi nos aventures en tout genres, nous avons rétabli la balance universelle en châtiant un escroc. En effet, nous fûmes dûment plumés par un saligaud en partant de Téhéran, qui nous conduisit en taxi pour le prix d'un billet d'avion. Hier, un apprenti gredin a pris une nouvelle lecon. Le jeune nigaud qui nous conduisait ventre à terre vers le triple site de Persépolis (en nous infligeant le pire de la musique italienne, l'infâme Eros Ramazzoti, et une pointe de la vache Milka Céline Dion pour faire passer -s'il y a des amateurs de ces deux rebuts parmi vous, ce ne sera pas à votre avantage de tenter de les défendre...-), ce jeune sot, donc, voulut nous imposer 20 minutes pour le site funéraire des Darius et Xerxès. Fi donc! Faut pas rigoler, on s'est offert au moins le double. Du coup, il voulut se rattraper, sans doute pour aller draguer les filles de Shiraz. Le voilà donc qui passe froidement devant Naqsh-e-Rajab, splendide ensemble de bas-reliefs entre le premier et Persépolis. On arrive donc à Persepolis, je bous, et il s'apprête à nous dire combien de temps il nous offre. Que nenni, et même que dalle! Je prends mon air gentil mais quand même, et lui rappelle le nombre de sites du coin (le circuit classique, en réalité). Ahhh, euuu, oui... Du coup, il propose d'y aller après. Foin! Le petit ensemble ferme plus tôt. L'hideux prétend alors que Persépolis ferme à 5 heures (il est alors 4h environ). Dans ce cas, il nous suggère d'aller à Persépolis, de visiter le site en 25 minutes, mais oui, et d'aller voir le reste ensuite. Une idée qui n'a pas fait un tabac. Pendant que Matt secoue la tete, pas content du tout, en lancant des tt tt tt et en le fixant droit dans le rétro (et ceux qui le connaissent savent l'effet que ca fait), je joue l'un peu plus gentil flic en lui suggérant de revenir en arrière, eh oui mon gros, et de revenir ensuite à Persépolis, qui, nous le savons tous, ne ferme pas avant six heures... N'est-ce pas?
Il capitule aussitot, s'exécute, n'en mène pas large, nous laisse 1h45 (on s'en prendra 2 bien tassées), et nous ramène sans piper. A la fin, il ne compte même pas les sous. Fallait bien que deux ans de Mexique auprès de margoulins de la pire espece (je vise ici notamment la pire congrégation de flibustiers que la terre ait jamais portée, les chauffeurs de taxi) me serve à quelque chose!
 
Cela étant, c'était bien beau. Je plaisante. C'était aussi grandiose que la première fois, et promis, il y aura des photos, je bloguerai tout ca a la maison pour ceux qui veulent des supplements de type "carnet de voyage", ca peut surprendre mais il y en a.
 
Bref, bises à tous, on sera cuits au prochain mail, priere de nous retourner deux ou trois fois, et de réserver le jus pour servir avec du riz au safran.
 
R
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3 août 2007 5 03 /08 /août /2007 14:59

Shiraz, 21h32.

 

Petit encart sur moi-même :

Je serais presque blasé, mais pas forcément dans un mauvais sens. Faut s’expliquer.

Le Moyen-Orient, pour le Franc, le Franc du nord, c’est un bazar géant, chaud, bruyant, gueulard, aux senteurs capiteuses et forcément dés-orient-antes. Si on a l’âme poète, on veut se rimbaldier, on s’y jette et on s’y perd.

Pour le reste, on a deux solutions : les vacances au sens organisé, balisé, suivez le sens de la visite et n’oubliez pas le guide, ou alors l’Orient à domicile, dans le cas de la France, plutôt son ancien Méridien colonial, bref, tout se perd, tout se mélange, rien ne se crée, tout fout l’camp. En bon occidental pas simple mais qui a la simplicité d’esprit de se croire simple, le Moyen-Orient, le vrai, celui de l’Est, m’apparaissait, enfant, comme une zone vaste et vague, un ensemble de terres cousues ensemble, mais bien trop loin pour exister ailleurs que sur des mappemondes. Un peu comme l’Amérique, qui n’existe qu’à la télé et qu’on ne peut pourtant voir à cause de l’océan qui nous sépare.

Mon premier voyage en Iran me maintenait encore sur mes gardes, non seulement à cause du dépaysement d’inculte sus-cité, mais aussi à cause des trouilles infantiles : mes années 80 avaient été nourries de guerre Iran-Irak, de Liban en miettes, d’otages, d’ayatollahs peu engageants, ainsi que d’apartheid, de Mandela, de juge Falcone et de la bobine de Ronald Reagan. Il y avait aussi le Sentier Lumineux, mais ce sujet a été traité au cours d’un voyage précédent.

Bref, mon premier voyage avait sûrement tenu du baptême du feu par rapport à toutes les idées reçues et fabriquées par moi et d’autres.

Comme je le notais il y a un an, je m’étais souvent demandé, depuis ces années 80, si l’on pouvait trouver des Iraniens pas fanatiques, voire pas si croyants, et pourquoi pas s’en foutant discrètement bien.

On peut rire de moi, et j’encourage d’ailleurs ce rire, mais au fond, des idées pareilles, tant qu’on n’en a pas le démenti...

Or donc, j’ai purgé ces niaiseries en avril 2006.

Retour au Moyen-Orient compliqué en 2007, pour le Franc pas simple, quoi de changé? Ici, peu. En moi, plus. Mais quoi? Moins de trouille, des repères, des habitudes, du lâcher-prise, de la bouteille, quoi. Passage de la trentaine? Ce serait commode, au moins si ça donnait un peu de poids à mes idées lancées en l’air. Mais le temps ne fait pas grand-chose à l’affaire, j’en demeure convaincu.

Ça doit être la bouteille, alors. Disons ça. Du coup, les lignes un peu pompeuses écrites sur moi-même il y a quelques jours, sur la cohérence interne qu’apporterait le voyage, ne me convainquent pas tellement, à les relire.

D’abord, ça sent la formule.

Ensuite, ce serait chercher un sens au voyage, coûte que coûte.

Ce sens m’apparaissait lorsque je rentrais hébété et amoureux, de tel ou tel endroit.

Aujourd’hui, je ne crois pas avoir besoin de rééducation pour retrouver l’autre vie. Pour autant, je n’ai pas fait le tour de la question, je le sens et le sais. Je crois même que plus on avance dans le voyage, et plus la question elle-même échappe à la réflexion.

Alors je ne sais pas, je ne sais plus, la ligne de moi me paraît ronflante, je préfère me dissiper comme la fumée d’une qalyan à la pomme, au dessus de l’eau d’Ispahan.

 

°°°°°°OOOOO°°°°°

Hier, à Shushtar. Des moulins à eaux comme on n’en fit jamais chez nous. 40 à 50 degrés. Le vieux fripé dans son tacot, il cuit et fume, il se marre à l’économie. Les gaillards, les mômes et les routiers, tous le cul à l’eau, dans le moindre canal boueux. Des champs, à ne pas comprendre qu’il y pousse un espoir.

Dans la maison de Sadegh, on parle arabe, on apprend le farsi à l’école. Le patriarche prie, les mômes reluquent du porno sur leur téléphone. Les femmes, on les aperçoit là-bas, dans la pièce à côté. Elles gloussent et préparent le festin.

Le patriarche a des croix tatouées sur le front. De matriarche, il n’y en a plus, elle a été tuée en pèlerinage en Irak, il y a deux ans.

La salle a manger ne comporte qu’un meuble, pour porter la reine télé, satellite, diffusant tout et en priorité n’importe quoi sur les têtes des frangins du svelte et gracieux Sadegh, un peu plus jeune que moi, sérieux, marié, un fils, et deuxième dan de judo, prof à ses heures.

L’après-midi s’avance. Faut retourner à Shush, le car est à 16h30. On le dit, on nous entend, on reprend le thé. Quand il faut s’affoler, c’est sans perdre la face ni le sang-froid. On téléphone, on envoie des Soeur-Anne voir si le taxi vient. L’un vient à) temps, mais Sadegh le renvoie, trop cher et pas ponctuel.

Finalement, alors qu’on noie les palpitations dans le thé, les discussions vont bon train : l’ancien suspend sa sieste et s’en mêle. On spécule sur l’heure de départ du car. Ce matin, les gars du terminal nous avaient répété : “Mister, here, four o’clock!”. Il est 15h50, et Shush est à une heure.

5 minutes plus tard, on embarque, après les plus belles salutations possibles, à bord du seul taxi d’Iran qui conduise comme un octogénaire suédois. Aucun risque, alors que le bolide pourrait tenter, comme les 405 locales, les bus des années 50, les minibus refaits maison, les mobylettes, les tas de boue et les épaves, oui, lui aussi, il pourrait tenter de passer le mur du son.

Mais il ne le fait pas. Il a tapissé sagement toutes les vitres (sauf le pare-brise, et encore, pas entièrement) de papier journal, et va piano.

Amir, ambassadeur de la maison Sadegh, nous accompagne et s’inquiète enfin. Il nous promet que le car attendra. Venant d’une contrée où un car n’attend même pas toujours l’heure de son départ, je n’y crois qu’à peine mais me sais loin de toutes ces brumes nordiques. Et puis, je n’ai pris que bien peu de car qui partissent à l’heure, somme toute.

D’un coup, Amir saisit un portable et appelle. Il ne trouve sur mon billet que le numéro national de la compagnie, qui le rappelle et lui donne le numéro local. On tractationne et on palabre, on fait valoir qu’il s’agit de déplacer deux Français.

La victoire s’annonce : on nous attendra.

10 minutes plus tard, on n’aura que le temps d’embrasser Amir pour embarquer dans les tripes fraîches d’un beau Volvo.

On souffle. Dedans : 26 degrés. Dehors : 47. Le soir tombe. Soleil rouge. Terre plate, sèche. Des champs quand même. Dans la nuit, des torchères pointent des doigts de feu sur les étoiles.

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1 août 2007 3 01 /08 /août /2007 12:06

La ziggurat de Choqa Zambil, au sud-ouest de l'Iran.

http://albums.koffeephoto.com/album/vI89Q1ymBiqZNzApxh1ob3pm/

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31 juillet 2007 2 31 /07 /juillet /2007 14:57

De Kermanshah à Andimeshk. Nuit du 31/07/07.


Assis à côté d’un rutilant car Volvo, lavé à grande eau, nous voyons cahoter un vieux Mercedes jusqu’à nos pieds.

Le ciel est rouge, les muezzins chantent. Le laveur du Volvo, un jeune Kurde, prépare une qalyân (narguilé) dans la soute. Notre jeune chauffeur a l’élégance d’un répétiteur de Cambridge. Son aide de camp est un jeune et grand Kurde rigolard en large pantalon traditionnel. Les fesses calées sur les roues arrières, dernière rangée avant une volée de marches qui mène à la seconde porte du chariot, on est abruti par le rugissement du moteur qui occupe l’espace d’une possible banquette. La vitre coulisse mal, bientôt elle se décroche. Le vent est chaud.

Le Kurde sert un verre d’eau glacée à tous les voyageurs, pour l’essentiels des bidasses usés et souriants. Deux vieilles montent et arpentent la travée en marmottant, main tendue, puis s’en vont.

On s’arrête parfois. Les toilettes sont des chiottes, surchauffées par la journée, distillant l’ammoniac. Les bouteilles d’eau fraîche se sirotent dans les cahots. La suspension braille. Le capot du moteur, là-derrière, est ouvert en permanence et maintenu relevé. Dans la nuit, le jaune et l’ocre de la peinture défraîchie du vieux monstre disparaissent. seuls ses petits yeux chassieux et ses clignotements rouges se signalent à l’attention relâchée d’un poids lourd qui double lascivement, en face. Deux voies, des camions à perte de vue. La nuit est mûre, la lune est reine. cette vieille jeune fille sait aussi donner de son ombre. Au sommet des collines, émiettées, mordillées et entamées, parfois, un bel arbre bas.

Au milieu d’une futaie naine et assoiffée, un serpent de feu s’étire. Çà et là, des foyers s’aperçoivent dans les gouffres.

Dans les lits de fleuves morts, je vois des visages de femme. Une grande vallée, puis une grande montagne, et une grande falaise, enfin, la Grande Ourse.

Le bonhomme de devant s’agite, se réveille. Il avait la tête sur l’épaule de son voisin. Après réflexion, il l’y repose et se blottit.

Un nouvel arrêt. Des échoppes où le voyageur achète n’importe quoi, et qui ne ferment jamais. Les patrons somnolent sur des chaises renversées.

Trois garçons se déplient vivement de l’auvent où ils étaient tapis. L’un porte une casquette éclatante, l’autre tient un attaché-case à la main, le troisième marchande avec le jeune Kurde. Ils filent bientôt vers le fond, vers les marches de la porte, où ils s’accroupissent en poursuivant leurs palabres.

On repart. Le répétiteur de Cambridge envoie son aide de camp pour encaisser l’obole. Le Kurde rieur annonce le prix, les gamins protestent. On râle, on braille. Un appelé soulève une paupière. Un autre adjudant du chauffeur se joint à la conversation, sa chemise tombe sur son torse maigre. Le Kurde a la situation en mains. Il rit, pose une main sur le bras du chef des mômes, l’autre sur sa joue et semble lui annoncer comme une bonne blague qu’il va débarquer les trois clandestins en rase-campagne.

On tombe d’accord. Près d’une autre échoppe, où le vieux patron dort paisiblement, le car s’arrête, et les trois ombres filent.

Dans le vieux Mercedes, seules, de grosses veilleuses rougeoient. L’air du dehors ne fraîchit plus. La somnolence gagne jusqu’au jeune Kurde, qui va se coucher en boule sur le moteur, là-derrière. Seul le répétiteur de Cambridge demeure ferme à la barre, et fait craquer inlassablement les vitesses de son vieux rugissant dans la nuit de Perse.

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