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Mes virées, mes carnets...Bienvenue chez moi. C'est-à-dire nulle part.

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2 avril 2005 6 02 /04 /avril /2005 13:08
Oui, c'est l'orthographe locale, qui de toutes façons varie énormément, langues diverses se côtoyant oblige.
 
Après une bonne nuit de sommeil d'au moins 5h30, je décidai d'aller voir la nº merveille de Bolivie, le plus haut lac d'altitude, 3800m, et probablement un des plus grands.
Faut savoir que les Boliviens n'ont pas encore digéré le coup tordu des Chiliens: Les bougres leur ont volé la mer! Eh oui, quant on perd une guerre (Ce que les Boliviens font souvent), on perd aussi des plumes.
Il y a pourtant une marine bolivienne, oui m'sieur dame, et des matelots avec leur drôle de chapeau (Il faudrait quand même tripler ma solde pour que j'accepte un costard aussi farfelu), et des militaires qui ne rigolent pas, bref, on ne plaisante pas avec l'armée bolivienne (J'ai dit on ne rit pas!).
 
Changement d'ambiance, après dix jours à ne parler qu'espagnol avec des Boliviens, me voici dans l'auberge espagnole roulante typique, un mélange d'américains (énormes appareils photos, ordinateur portable), de jeunes israéliennes (Mais elles font probablement une virée d'après-service militaire, donc même si elles ont l'air boulottes et niaiseuses, elle peuvent peut-être me plaquer au sol et m'annihiler comme un vulgaire dirigeant du Hamas, donc gaffe), de vieux anglais, d'un français qui veut pas parler (Moi) et d'un banquier allemand d'à peu près mon âge, avec qui finalement je sympathisai.
Mais bon, faut parler anglais maintenant, et vous savez ce que j'en pense. En plus, flash-back d'un an, hostal de la Catedral de Mexico, tous les anglo-saxons pas foutus d'articuler trois mots d'espàgnol me trouvent vachement sympa, d'un seul coup.
Mais là, je reste avec mon banquier, Heiko, grand gars sympa qui veut se baigner dans le lac. Il le fera une vingtaine d'heures plus tard, au milieu de la promenade autour de l'île du Soleil, sous la pression intense du sale Français (Moi) qui dit que non, 9h30, c'est la bonne heure pour se baigner.
Mais j'anticipe. Avant l'île du Soleil, où les Incas de nos grands-mères allaient faire des tas de processions religieuses fort intéressantes, construisaient des genres de maisons labyrinthiques et des chemins ressemblant fort à des autoroutes, il faut traverser une partie du Lac.
C'est long, c'est très long, il ne se passe pas grand-chose, on ne parle pas à ses voisins, même si plus tard ils vous demanderont l'adresse du bon restau que vous avez trouvé, sans faire les innocents, puisqu'ils vous ont repérés aussi, sur le bateau. À la proue, il y a deux jeunes sots vautrés, et au-dessus, sur l'espèce de toit occupé par tout le monde parce qu'il fait beau, mais au-delà des rambardes, un couple de jeunes gens dont le monsieur a l'air frimeur. Je le mentionne parce que Christian, c'est son nom, croisera ma route (inca) le lendemain.
Bref, on arrive, Heiko et moi, un débarquement franco-allemand c'est pas tous les jours, et on est assailli. On savait pas, salauds d'officiers, y a un comité d'accueil! Des hordes de mioches en hardes se précipitent pour nous suggérer fortement, au cas où on ne saurait pas où dormir (Ce qui est souvent le cas,je suppose, moi par exemple je n'ai pas encore mes habitudes sur cette île), d'aller dans l'hôtel de l'Inca, de la Route de l'Inca, du Mirador de l'Inca, Du Lama de l'Inca, du Bonnet Rigolo de l'Inca, bref, n'importe quoi de l'Inca, probablement tenu par leur père/oncle/frère/cousin...
On dédaigne, `parce qu'on n'aime pas les réseaux mafieux, c'est vrai, on passe une nuit et on finit avec un drôle de bonnet à guetter les bateaux qui arrivent.
On échoue finalement dans un hôtel à 2.50$ la nuit, ce qui n'est pas cher, surtout qu'on a une vue imprenable sur la baie, mais c'est normal, c'est une île, il y a des baies partout, celui qui ouvre son hôtel en plein centre-village est bien malheureux.
Heiko ne veut pas me croire, mais je lui dit: pas besoin de réveil demain matin, l'incroyable colonie d'ânes qui peuple l'île ne manquera pas de nous faire lever bruyamment.
J'ai raison.
Du coup, le pauvre vieux m'accompagnepour faire le tour complet de l'île, une balade de 5-7heures, pour moi c'est parfait, j'ai des courbatures à évacuer. Lui, il veut partir le soir pour retrouver un Autrichien et faire la tournée des bars topless de La Paz. On n'a finalement pas échangé les adresses.
Je largue donc mon compagnon germain dans un bateau qui fait le trajet de retour en seulement 3 fois plus de temps que l'aller, bons copains qu'on se quitte, on aura bien rigolé, et en plus pour un banquier, il est quand même un peu poète, ça fait deux fois qu'il vient dans le coin, il aime vraiment, je critique pas.
Là, je suis à la pointe Nord de l'île, il me reste quelques ruines à visiter. Une fois finie ma troisième truite (Du lac, un régal), je décolle. Rien dans les mains, rien dans les poches, enfin plus obligé de parler anglais, ni de parler du tout, je prends un bon pas et commence à fouler la route fabriquée par les Incas. Il fait beau, il fait chaud, et un groupe de touristes américains ne va pas tarder à succomber s'ils essaient de marcher à mon rythme. Mais ils ont un guide, je suppose que le gaillard sait ce qu'il fait.
Premier arrêt, pour eux, un énorme caillou. Moi je passe, je vais direct sur les ruines dites du Labyrinthe. C'est vrai, c'est labyrinthique. C'est des murs, qui se croisent, avec des portes, des genres de fenêtrs, on devine qu'avant il y avait un toit, ma formation archéologique limitée me fait penser que c'est un genre de cité miniature, c'est bien sympathique, je prends des photos et je me tire, parce que finalement, une fois que c'est vu, c'est vu, il y a plein de baies et de montagnes fabriquées par Mère Nature, je sens bien que ça me plaira plus.
En repassant, les américains s'extasient sur le gros caillou, deux mètres de haut sur 6 ou 7 de large. Et le guide leur explique, que là c'est un condor, là c'est un serpent, là c'est un puma, là ça doit être le dieu de la fertilité, et si on regarde bien en tournant le dos au soleil et en regardant la lune entre ses jambes, on aperçoit le nombril de George W. Bush, signe de virilité chez les Incas.
Bon, j'exagère à peine, mais là, je vous avoue que je suis reparti en levant les yeux au ciel, sais pas, je devais pas être d'humeur à interpréter les cailloux, pour moi ce machin c'était une grosse pierre, peut-être qu'en assistant à la cérémonie religieuse qui allait avec ça aurait été plus rigolo, mais là boarf.
Je décarre donc en écoutant les clics d'appareils photos et les ho ha oh my god can you believe it, et j'entame la crête de l'île, une petite épine dorsale à 4000m d'altitude. Et là, je vous l'avoue, c'est beau. Vachement beau. La route inca, on la voit courir vers le Sud, de creux en bosse, jusqu'à la mer, qu'on voit pas danser, vu que c'est pas la mer mais un lac, mais je vous assure, l'illusion est parfaite, y a même des vaguelettes pour faire comme si. Et je marche, je marche, je marche, assez vite mais pas trop, juste pour retrouver de l'élasticité dans les muscles, rien entendre que mes pensées, qui sont d'ailleurs peu nombreuses, puisqu'il n'y a qu'à regarder et marcher sur les pavés parfaitement égaux.
Aaaaaaah.....
Après une heure ou deux, je vois un gars un peu en contrebas du chemin, juste quand j'avais enfin dépassé ces deux Anglaises qui essayaient de me ratrapper, les dindes. LE gars est accroupi, il gratte le sol. Je dis "Allons bon,v'là aut'chose!". Sûrement un gars qui a trouvé un truc, qui va se le déterrer, se l'embarquer et le revendre ou le poser sur sa cheminée, le saligaud.
JE passe sans trop rien dire, tenté quand même de lui demander s'il a le droit, juste comme ça, pour voir. Mais il lève les yeux, me voit, me sourit et me dit qu'il a fait une découverte formidable, et que si je veux voir je peux venir. Je me dis "Allez donc, c'est pas le premier maboul que je croise, celui-là a un couteau, mais bon, il a l'air sur une autre planète.
C'est Christian. Si je résume, Christian est Chilien, il a une jolie copine qui n'a pas voulu venir aujourd'hui (comme je la comprends, mais vous pas encore, chers lecteurs), et il vit "tout le long de la route inca, du Chili à l'Équateur". JE lève les yeux au ciel intérieurement, mais j'écoute et je regarde poliment. Il a trouvé une grande roche sculptée (encore....), et dont les figures sont passionantes à interpréter. Bon, je ne dis pas, c'est vrai, y a des triangles partour, sur son bout de caillou. Là, le Christian, il a trouvé un visage gravé, mais en fait ça pourrait être deux visages, là tu vois, y a les yeux, là une oreille (c'est suffisant pour entendre ça, à mon avis), la une bouche, et juste en dessous le pénis, et le vagin encore en dessous (J'ai dû sécher trop de cours d'anatomie), et le tout ça fait l'homme-femme, symbole de la fertilité (tiens tiens...), c'est comme le triangle, qui représente le condor, le puma et le serpent (bien sûr, j'allais le dire), qui symbolisent la force, le courage et la sagesse (ben oui, naturellement), et mis ensemble en triangle c'est l'harmonie, donc la fertilité (logique). Histoire de rire, je lui demande pourquoi certains triangles sont à l'envers. Il réfléchit, et me dit que, Rafa, c'est l'harmonie, parce que ça se complète, c'est le ciel et la terre (donc, puma, condor et serpent la tête en bas, ça doit être le ciel, bien que le condor doive pas être trop mal à l'aise dans le ciel, mais là je chipote), c'est comme l'étoile de David, les deux triangles, là, c'est le ciel et la terre (Eh ben oui, bien sûr, la terre sainte est en plein Lac Titikaka). Ou alors... Ou alors tu as aussi l'interprétation qui dit que c'est le père, le fils et le saint-esprit (Déja entendu ça quelque part, mais où...? Ça me reviendra...).
Mais tout ça, c'est bien gentil, mais il faut l'orienter. Le père Christian sort sa boussole, à peu près la même que la mienne, mais les graduations doivent pas être les mêmes, parce qu'il pose sa boussole sur les triangles, et puis il murmure des trucs genre "Solstice....Équinoxe...Solstice...". LE prochain bulletin météo nous annoncera peut-être une tempête arrivant d'un vent de Soltice-Solstice-Équinoxe, moi pour l'instant je commence surtout à me dire qu'il fait frais et qu'il y a une belle route qui m'attend, mais Christian doit le sentir, parce qu'à chaque fois il reprend. Par exemple, il a trouvé un caillou sur l'île (Mais on en est tous là, mon vieux) qui a indubitablement une forme de dragon. Il me montre sur l'écran de son appareil photo, et oui, ça pourrait ressembler à un dragon, mais peut-être aussi à une de mes profs de maths, ou à la symbolisation sacrée de mon code de carte bleue (quatre chiffres qui, si on les prend à l'envers, donnent la date de naissance de mon découvert), ou encore une représentation miniature des Noces de Cana. Le truc est pas sculpté, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?C'est un caillou. Mais pour Christian, c'est autre chose, vue que, qu'est-ce qui a la forme d'un dragon, ici? Hein? Hein? Que c'est lui qui l'a remarqué en premier? Mais l'île elle-même, voyons! Rien que ça!
Bon, là, j'avoue ma lassitude... Oui, d'accord, t'as trouvé d'autres triangles, plein de triangles, au Chili, au Macchu Picchu, et même sur un certain nombre de panneaux de signalisation, mais bon,va falloir que j'y aille. Il ajoute quand même qu'il n'a pas de chance, que les habitants de l'île ne se rendent pas compte, par exemple (bon, mais alors le dernier exemple, hein) le caillou en forme de condor (ah ben oui, tiens, qu'en est-il?), celui qui était à l'entrée de l'île (Ouais...), personne l'avait remarqué jusqu'à lui, il y a quatre ans (Ben oui mais tu sais, l'hôtellerie, ça prend du temps, et y a les ânes à sortir et le film à la télé alors  tu sais, les condors, hein). Ouais ouais ouais, un condor! Les ailes déployées, et sur sa poitrine (un soutien-gorge?) d'un côté (Attends, je devine) un puma et de l'autre un serpent (Ah t'es con Christian, j'allais trouver! Et ça veut pas dire fertilité, égalité, fraternité, par hasard?). Mais ces salauds ont tout détruit (triste époque pour les triangles, les condors, les pumas, les serpents et les Chiliens qui font des fouilles avec une brosse à chien et un canif).
Parce que tout ça, Rafa, figure-toi, c'est probablement la maquette de l'Atlantide! Le tableau d'un Continent perdu! D'ailleurs, le gros triangle, là, c'est le templo mayor (Celui de Mexico? Nan, je crois pas). J'avoue que c'était beau.
Je ne résiste quand même pas à la tentation de lui demander s'il travaille avec une université, ses découvertes ne peuvent quand même pas rester secrètes!
Et il soupire que non, non (Attends, je devine: elles te prennent pour un zozo?), mais qu'il va prendre des contacts avec le Discovery Channel et National Geographic. Je  ne lève pas les yeux au ciel, et je lui demande si le documentaire portera sur ce caillou, là, seulement (Ce serait dommage, le monde doit savoir, l'Atlantide, Christian, l'Atlantide!)? Il me dit que non, sur l'ensemble de ses découvertes (pendant ce temps, il prend des notes, fait des dessins (des triangles) sur un agenda 2004), et qu'il veut qu'on l'interviewe sur tout ça.
Sur ce, je me dis que ça commence à faire, que j'ai ma dose pour la journée. Je dis queje m'arrache, il m'invite cordialement à le retrouver avec sa copine (J'avoue, j'ai hésité) le soir même, qu'il me montrera ses autres découvertes.  Je lui dis que je vais y penser, et je reprends ma marche d'un bon pas tandis qu'il me souhaite bonne chance (t'inquiète Christian, apparemment t'as déja repéré tous les serpents de l'île).
 
Ah ben mes amis, La Paz semble vraiment rationnelle aujourd'hui. C'est vrai, des foetus de lamas, c'est plutôt normal, non?
 
Raph
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29 mars 2005 2 29 /03 /mars /2005 13:05
Moi j'ai dit, j'avance plus, oui, il fait froid, mouillé, humide, mais là pour moi c'est bon. Continuez donc si vous voulez, les copains, on se reverra à Chulumani. Tiens, si vous voulez de la bouffe, j'ai du riz, des pâtes, des saucisses, du fromage, je vous donne tout ça, ça fera toujours ça de moins à porter demain pour la grande descente. Ah ben merde, les voila tout confondus! Vladimir, une grande gueule bien sympa qui chante de l'opéra en Italien, ou sa plus ou moins copine, une Québécoise qui me prenait pour un Québécois (N'importe quoi! Pourquoi pas pour un Français? Ou un Mexicain? Ou un MiIitaire?), ils commencent à me regarder différemment. Je ne suis plus seulement ce mec bizarre avec tous ses gadgets, qui a la drôle d'idée de se balader seul, et qu'on ne saurait dire son âge, parce que pour faire ça, il faut être vieux, ou fou, et avec tous ces cheveux blancs, qui d'ailleurs foutent le camp sur l'arrière, et la barbe aussi, la barbe, bref, ils se disent, il est peut-être complètement taré, mais il est drôlement sympa, parce que nous autres, ben on mangerait bien un peu plus, enfin c'est ce que j'ai compris de leur enthousiasme. Je ne dis rien, mais je n'en pense pas moins. Ah, l'Islande, ses chevaux, ses prairies, ses volcans, ses geysers, ses rations calculées au milligramme, mais pas pour la casserole, trop petite, qui nous voit perdre des kilos.... Je n'ajoute rien, certains de mes lecteurs savent très bien à quoi je fais allusion, et les autres devinent que la terre des trolls, des fées et de Björk a failli être le théâtre d'une mutinerie culinaire...
Et puis je reste, donc. Seul. Il y a bien ce jeune Paraguayen, qui me demande si, puisque j'habite Mexico, je peux faire passer un cadeau d'anniversair à son frère, étudiant à l'UNAM toute proche. Et moi j'y dis que oui, bien sûr, en plus le pauvre bougre n'a pas vu son frangin depuis un an, tiens, j'en ai la fibre fraternelle qui vibre, allez, c'est dit, je l'emmènerai ton cadeau, l'ami.
Un petit échange. Tu as de la coca, qu'on me demande? Moi je dis, du maté de coca (un genre d'infusion à base de coca, pas bien péchant mais qui fait du bien contre l'altitude)? Y me disent, non, la feuille. Je dis que non, ils me demandent si j'en veux, je dis que oui, bien sûr, faut y aller, si ça marche sur les vieux bergers, ça marchera peut-être sur un jeune gringo. Y m'expliquent le fonctionnement, on mâche pas vraiment, on sort le jus, et on a une forme d'enfer. Et je gagne mon petit sac.
Et on me remercie, on me fait des grands signes, et on disparaît tandis que j'installe ma tente pour commencer à me sécher un peu les pieds. La nuit tombe vite, je suis crevé. Demain l'assaut final, le ressaut Hillary, le coup de collier à donner pour s'en sortir. Le topo dit: "Gaffe aux serpents!". Je dis, De toutes façons, cette forêt, c'est de la jungle. J'aime pas la jungle. Déja, la forêt, c'est pas très rassurant, en comparaison d'un bon bivouac dans la neige, bien sain, sans la moindre bestiole pour venir fouiner dans votre sac de couchage. Mais là, la jungle...
 
Ce matin, je range mes affaires, entre l'inquiétude de cette putain de jungle, et les maigres tentatives de prévision de ce qui m'attend. Encore de ces branches basses, le chemin détrempé, les roches moussues, glissantes, le ruisseau au milieu de la route. Et puis merde, on y va.
Départ à huit heures, brume, humidité, fraîcheur. 3300m, à peu près. Je dois descendre 1500m. Je suis la piste, j'alterne les bonbons et les feuilles de coca. Pas repris d'eau, un litre et demi pour ce que j'estime à 5 heures de marche maximum, ça devrait aller.
Et la piste commence fort, en forêt sinistre. Tout comme j'avais prévu. Je glisse, je dérape, je me ramasse. Je m'accroche aux branches, je les écarte, je me déhanche en un hoola-hoop pénible (N'oublions pas mes 25 kilos supplémentaires...). Je me reproche de ne pas avoir acheté cette machette, finalement ce n'était pas une idée si folklorique. Et puis je me reprends: de toutes façons, ça m'aurait surtout épuisé les bras autant que les jambes, alors tant pis.
Quatre heures plus tard, j'ai les cuisses en feu, je suis accroupi pour passer sous les branches, je me redresse brutalement pour contrer le poids de mon sac qui me traîne en arrière. Je m'essouffle. Sur le côté du chemin, ça descend à pic, brutal sur des centaines de mètres. Je passe le bâton de main en main, toujours du côté amont, bien équilibrer, garder le poids du côté sain. 
Je n'ai descendu que 300 ou 400 mètres. MEs prévisions sont chamboulées. Il fait plus chaud, des insectes commencent à sortir le bout de leurs ailes. On alterne, jungle et clairières herbeuses, boueuses, chemins invisibles, herbes jusqu'à la taille, allez savoir sur quoi je marche.
Une clairière, un genou. Je m'approche, et sous l'écrasant soleil de midi, alors qu je cherche ma respiration, je retrouve Leo et Mariana.Affalés, en chemin vers la déshydratation, elle a le genou en très mauvais état, s'aide d'un bout de bois. Ils n'ont pas pu rejoindre leurs amis hier soir. Ont campé où ils pouvaient, et mangé ce qu'ils pouvaient, puisque leurs provisions, d'après ce qu'ils m'en disent, sont loin des miennes, même après que je me suis débarassé d'une partie.
Tonton Raph a du paracétamol, de l'eau, des bonbons, bref, vu que j'en ai moi-même ras-le-bol de cette foutue jungle, et que vu leur état, on n'est pas bien loin de la non-assistance à personne en danger, je dis, allez les gars, on reste ensemble, suivez le petit blanc (Leo est immense, rien à voir avec ce pourri de Ramiro), foutons le camp.
MEs calculs donnaient une poignée d'heures. Disons qu'entre 15 et 16 heures, on y serait, au village, à boire de la bière, à raconter des conneries, et le genou serait oublié, bien vrai.
On marche, on marche, on marche. Alternance de jungle et de prairie surchauffée. Mariana est loin derrière, une demi-heure derrière moi. Leo, qui a pris trop de poids ces dernières années, souffre aussi. On partage l'eau, les bonbons. J'ai oublié de manger. On cuit. Je continue l'alternance coca-bonbons. Je vais vous avouer, l'effet de la coca, je ne suis pas sûr de l'avoir senti. Ou alors je pensais à autre chose. La coca, c'est dans la tête! De toutes manières, à ce moment là, c'est plutôt d'un coca-cola que j'avais envie.
Dernière goutte d'eau. On descend vers la route, 500m plus bas, ou on continue à longer la crête de la montagne, alors qu'on devrait être sur un autre chemin? Leo dit, la dernière fois, on est arrivés à Chirca, y a une chute d'eau bien avant, ça peut pas être loin.
Au bout d'un moment, Leo dit, allez, il est 17h15, tu files en avant, normalement  tu trouveras de l'eau. Si tu en trouves, tu peux nous en rapporter? JE dis oui, et je file, j'attends même pas que Mariana soit arrivée, la pauvre,elle commence à  montrer des signes de déshydratation pas rassurant, et Leo, il commence à avoir envie dormir...
JE fonce, et je pile net. La branche verte, là, par terre, qui bouge alors que je ne bouge plus, c'est pas une branche, c'est un putain de serpent. Me demandez pas comment il s'appelle, il est vert, des taches noires, je ne vois pas sa sale gueule, je n'y connais rien, moi quand ça n'a pas de pattes, que ça dépasse les 2-3 centimètres et que ça fait "SSSS", je dégage. Bon, finalement, l'ignoble s'en va. Et je redémarre, je me dis, on pense pas, on pense à rien, sauf que la probabilité de retomber sur un truc comme ça est bien faible, alors finalement tant mieux, maintenant c'est fait, vivent les mathématiques et les probabilités. Plus tard, cette histoire ne rassure pas du tout mes compagnons de voyage.
 
AGUAAAAAAAA! LEOOOOOO! AGUAAAAAA!
Ça y est. J'ai trouvé un ruisselet dans la terre, les branches, la mousse. j'attendrai les vingt minutes règlementaires pour boire, après administration des gouttes purificatrices, pour boire, mais on est sauvés. On a même retrouvé les quatre cavaliers de l'apocalypse, comme les surnomme Leo, qui me disent, "Naaaaaaan, Rafaaaaaaa, on n'a rien vu à la Lagunaaaaaa, y avait de la bruuuuume, putaaaaaaain, et là c'est coooooool, y a d'l'eaaaaaaau". Ben mon vieux, je suis contentde ne pas avoir choisi leur chemin. Ils empestent toutes les vapeurs possibles, sont déshydratés, bien qu'imbibés d'alcool,et je dois dire que j'admire leur vitalité, vu les conditions.
Bien rafraîchis, bien arrosés. On est prêts. Leo et Mariana ont retrouvé le sourire, moi aussi du reste. Bon. Mais on est en pleine forêt, là, rien de bien drôle. Allez, Chirca c'est pas loin. On terminera peut-être à la lanterne.
Ah.
Oui.
D'accord.
À la lanterne.
Dans la jungle. Cette putain de jungle déja pénible quand on y voit.
Eh bien oui. Nous y allons, il n'y a pas d'autre choix pour l'instant. Rien pour dormir, et on est peut-être à côté du bled.
Il est 18h10. Dans cinquante minutes, il fera nuit.
 
Une demi-heure avant l'obscurité, sous un coucher de soleil magnifique, on règle nos lampes. Mes piles sont médiocres, j'ai au plus deux heures d'autonomie. L'une de leurs lampes est à l'agonie. Devant nous, une suite de vallons et de bosses, au creux d'une des vallées, probablement, Chirca. À une heure, deux ou trois? Et toujours cette alternance de jungle et de prairie, qui deviendra une alternance de jungle et de jungle peu après. Plus la moindre place pour bivouaquer, il faut foncer.
 
A ce moment, je ne me sens ni triste ni gai, ni angoissé ni rassuré. J'ai rêvé que je me noyais dans un trou de vase. J'aime pas la jungle. Donnez-moi des déserts de neige, et je fonce. Ici, c'est le Vietnam des films, pour moi. Je repense à un peu tout, mes courses d'orientation en forêt de Creuse, mes premières grandes peur sur rocher (hein Robert, tu te souviens, le bois du Médonnet, il y a quelque chose comme vingt ans? J'étais pas fier!), mes courses d'escalade, de glace, mes copains, mes copines, la famille, ceux qui sont là et ceux qui n'y sont plus. Tous ceux qui comptent, les éclats de rire. 
Je passe devant. Mariana souffre, et je sens bien qu'elle n'est pas rassurée du tout. Elle va trébucher, buter, tomber, glisser, s'épuiser dans cette obscurité.
J'entre dans la jungle, une nouvelle fois. La nuit est tombée. Je sais que ma lampe est un gadget pour enfants, je l'éteins chaque fois que je m'arrête. "Aqui estoy!", que je lance pour qu'ils se repèrent. LA jungle prend une autre forme d'existence. Je ne la vois plus, sauf quand le faisceau de ma lampe fait varier les ombres, imite des mouvements brusques, des animaux peut-être. La jungle devient bruit et odeur. Une terre sale, mauvaise, perpétuellement détrempée, qui semble à la fois immobile, fangieuse, et assez légère pour venir s'attaquer à mes narines, peut-être trouver leur chemin jusque dans mes poumons. Je transpire, nous avons perdu de l'altitude, et la chaleur du jour est emprisonnée dans la végétation. Les bruits se multiplient. Des petits cris, des chants. Des souffles. Je regarde ma main. Elle n'est pas là. L'obscurité est totale. Je ris. Eh ben voilà, mon vieux, on y est. Tu aimes te confronter à tes cauchemars? Tu es servi. Nous y sommes. Et je ne me sens pas mal. Au contraire. Je commence à remarquer mon propre calme. Ça va. Je suis bien. Entouré de lianes, essoufflé par l'effort de tracer mon chemin, parfois en force, pour me libérer des branches, obligé de m'accroupir encore, ou de mettre les pieds dans des marécages que je ne peux plus voir, je me sens aspiré par la jungle. Et là, porté par la fameuse vibration si souvent et tellement mieux évoquée, notamment par Conrad, je commence à ne plus rien sentir du tout. Bien, parfaitement calme, dans une jungle, à l'autre bout du monde. Quand je suis né, le 27 juillet 1976, à quatre heures 20 de l'après midi (C'est bien ça, Maman?), il faisait chaud, vu que c'était une des pires canicules qu'on avait connu à l'époque. Des années plus tard, je marine dans un jus saumâtre, pas sûr que les choses qui me piquent le dos, entre la peau et la chemise, sont bien des branches.
 
Mariana, me semble-t-il, sanglote un peu dans le noir. Les nerfs, j'imagine. Je dis, allez, on fait la pause, les amis. On s'assied, peu importe où. On mange un bonbon, on boit. La lune s'est levée, on aperçoit des formes. On transpire, on souffle. On finit par se raconter des histories, des sorcières, de monstres, de forêt. On s'amuse de certaines coïncidences, sur nos prénoms respectifs. Leo est couché par terre, Mariana rit, je pousse de grands éclats de rire, comme ceux qui me connaissent savent que j'adore les pousser.
 
Une heure plus tard, au détour d'un virage, alors qu'on aura planté la tente dans une clairière pierreuse, Mariana s'étant couchée, Leo et moi, on regarde les étoiles, les nuages. On parle, on rit. On a mangé tout ce qui nous restait, une soupe mélangée de fromage et de salami, avec une poignée de pistaches, et un bonbon pour dessert. On évoque la Bolivie, ce que j'ai vu, ce qu'il en pense. Il ne me contredit pas lorsque je lui dis que les enfants de Totoral, on les a laissés à mi-chemin, entre la civilisation ancestrale, qui ne valait sans doute pas moins qu'une autre, et la nôtre, faite de télévision mais aussi de culture. Au bout de cette journée,  qui aura duré treize heures de marche pour moi, douze pour eux, nous ne sommes plus qu'à une heure de Chirca, des rires, de l'émotion de cette troupe angoissée. On me bénit, enfin, pas chrétiennement, on me remercie, et puis on nous raconte que la vieille folle du coin, à Chirca, a achevé de terrifier le groupe en racontant que la jungle, mes pauvres enfants, elle est infestée de pumas, de léopards, de serpents, de singes, et de fantômes, dont celui de son propre frère, suicidé.
 
Plus tard, le bus, et plus tard encore, les adieux à La Paz. Je rentre à l'hôtel, je me regarde, et je n'y vois ni peur, ni envie, ni angoisse, ni joie. La jungle rend fou, parce que l'homme, et à plus forte raison, l'homme blanc, n'y a pas sa place. Je me souviens de mon calme, de nos rires. Merde. La Paz. Je suis encore à La Paz...
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29 mars 2005 2 29 /03 /mars /2005 13:04
Cette ordure de Ramiro m'a obsédé trois jours durant. Je revoyais sa sale petite gueule se balancer quand il dansait, son rire merdeux, et ses propositions dégueulasses. Merde, me dis-je, le prochain qui sort une blague sexiste devant moi, je l'étale direct. L'overdose de machisme. Je repensais à ces femmes massacrées à Ciudad Juarez, balancées aux ordures après usage, et me disais que derrière certains de ces cadavres, il y avait des Ramiro, de ces salopards qui vous lancent des clins d'oeil quand vous les captez en train de reluquer les fesses de la jolie fille qui va aux toilettes, dans l'avion. Comme ces deux crétins qui me servaient de voisins dans l'avion Mexico-Miami. L'Internationale du machisme existe, et elle transcende pas mal de frontières, sociales, ehtniques, culturelles.
 
J'enrageais en sortant de Tres Rios. Je voulais monter, grimper. Foutre le camp de cette civilisation, je parle de la civilisation en général. Et là, il y avait encore des petits bonshommes qui me suivaient. JE suivais la route, alors que le chemin aurait dû m'emporter dans le hauteurs, mais comme j'ai dit, pas envie de sortir la boussole ou la carte dans le contexte, et les habitants, pour eux, y a qu'une route c'est la route. Adieu mine abandonnée de Siberia, de toutes façons aujourd'hui on ne voit rien. Finalement, y en a un qui me rejoint, ou l'inverse je ne sais plus. Il a onze ans, en paraît quinze, et se propose de m'accompagner jusqu'à son village. Je n'y vais pas, à son village, et il ne s'imagine pas queje veux déguerpir de toute face humaine, rien voir, rien entendre, marre des gens. "Comment tu t'appelles? -Ramiro." ARRRRRRRRGH!!!! Tout le monde s'appelle donc Ramiro, ici. Bon, celui-là est moins désagréable, on discute, mais tout timide, il me regarde à la dérobée, et se demande visiblement ce que fabrique un Güero dans le coin, et à pied. Avec un sac gigantesque. N'importe quoi, le mec,  en somme.
 
Oh, la nature, je l'ai vue et eue. J'ai eu le temps de purger ma mémoire de la face infâme de Ramiro premier. Quand j'étais sous ma tente, au troisième jour, par exemple. À côté du Cerro Aro Pampa, un petit col tout vert, et le ras-le-bol de ne rien voir. Au petit matin, mon conseil de sécurité intérieur a décrété les sanctions contre la brume incessante, et même la plui qui m'avait agressé le matin même: Pas un pas de plus! On attend. L'Illimani et ses 6000m sont à côté, et je n'ai encore rien vu! Des clous! Ni Madre! Je n'avance plus, j'ai pas fait des milliers de kms, payé plein d'euros et subi Ramiro pour en plus ne rien voir. La biographie du Che par Paco Ignacio Taibo II et ses 700 pages devraient suffire à m'occuper, la journée s'il le faut. Il le fallut. 24h d'attente, juste pour un paysage, que j'avais entrevu la nuit précédente, impressionant, à la lueur d'une lune presque pleine. On n'était plus très loin de la fameuse lagune aux serpents, la Kasiri, et je voyais au loin se dessiner des chaînes évocatrices du Mordor de Tolkien. Pas rassurant? Ben non, en fait, je me sentais bien, je regardais passer les gens, ceux qui me lançaient, pour me vanner, que je ferais mieux de descendre vers le beau temps, ou que ça y était, il faisait jour, qu'il fallait se lever (L'Internationale des Connard existe donc bel et bien, y a vraiment des gens qui s'ennuient dans leur tête).
 
Je digérais. Je laissais se diluer la première nuit. Totoral. Estancia Totoral, pour être exact. D'après mon guide, "un village joyeux, pittoresque, apparemment perpétuellement engagé dans une partie de football." Infâme Hilary Bradt (auteur du livre)! Rien de pittoresque, rien de joyeux dans mon regard. Celui de la nuée d'enfants qui m'entouraient à mon arrivée était effectivement joyeusement curieux. Un Blanc! A pied! D'habitude, ils passent à cheval. Je me demande à présent si ces cavaliers blancs sont de ces touristes organisés ou les fantômes des enfants de cochons qui, de conquête en aplatissement culturel, ont apporté la télévision mais oublié d'amener l'école.
La misère, voilà ce qu'est Totoral. Des mômes minuscules, qui marchent en sandales défoncées, vêtements troués, visages abîmés, qui vous demandent de quel village vous venez. Je réponds Mexico, j'oublie la France, parce que Mexico, ici, ça n'existe déja pas. Et mon village, il est grand? Oui, dans les 20 millions d'habitants. Bon, je me mords les lèvres, parce qu'ici, on ne compte rien par millions. Totoral, le monde à la dizaine.
Et ton équipe de foot? Les Pumas, les Pumas de Mexico. Ah, là, réaction. Admiration. On me récite des noms, et j'acquiesce, je dis oui, mais ils ont perdu il y a deux jours, mais c'est pas grave, on va rencontrer les Chivas, et on va les massacrer, ils sont nuls.
Et les gosses, dont maintenant deux ou trois grands gars, de répéter d'un air rêveur, "les Pumas de Mexico..." Je monte ma tente, je fais le clown, j'en fais des tonnes, ils se marrent quand la tente s'effondre juste après que j'ai déclaré fièrement, "mi casa!".
Au fait, savez-vous où nous sommes? Je campe sur le terrain de football. Là, pas de problèmes, dimensions règlementaires. Des ânes et des poules se baladent et chient dessus, une moto abandonnée trône pas loin de moi. Il fait froid, humide. Les gamins vont chercher un ballon pour jouer avec Raphaël le Mexicain. Moi je leur dis, je suis nul, fatigué et conscient de l'obscurité qui avance, mais ils commencent quand même à me bombarder. Un oeil sur la tente, sait-on jamais, je jongle et dribble. Ça doit aussi en faire se tordre de rire, hein les gars, Raphaël qui joue au foot? Ouais, vous n'imaginez pas. Contrôle de poitrine, coup de tête... Je n'invente rien.
 
Au petit jour, après ces 24h d'attente, j'ai triomphé. Grand beau temps. Paysage promis, paysage dû. J'ai dansé tout seul en chantant et en insultant tous ces cons qui rigolaient hier, en me regardant planqué sous ma tente. Moi au moins, j'ai un paysage! Je suis parti bien tranquillement, tout remballé bien sec, pas en courant comme pour fuir Totoral ou Tres Rios.
Ça commençait pour de bon. J'ai finalement laissé les dingos qui voulaient m'entraÎner vers la Laguna Kasiri, une bande de jeunes qui trimballaient manifestement tout un tas de joyeusetés pour s'amuser sur le bord de la Laguna. "Ouaaaaaaaais, vieeeeeeeeens, meeeeeeec.....Naaaaaaan, y a pas de serpents géaaaaaaaants...." De toutes façons, fallait monter, descendre, monter, et avec 25 ou trente kilos sur le dos, hein... J'ai donc choisi de contourner Khala Ciudad, massif de montagnes (et pas une ville, comme je le croyais comme une andouille) par la gauche plutôt que par la droite, n'y voyez aucune allusion politique.
 
Une journée de rêve. Une piste Inca, ou pré-Inca, une sorte de chemin pavé. Le soleil. Des vallons abrupts, avec des chevaux, peut-être sauvages, en train de paître au fond. Des passages encaissés, des canyons miniatures. Du vert, de l'herbe fraîche, des petits ruisseaux, et ça monte, ça monte... Merci maître Jan, le frère d'Allan qui m'a prêté son altimètre. Objet curieux, enchâssé sur un couteau suisse, qui fera l'admiration du groupe de Gustavo et des autres. J'avoue que j'étais sceptique, mais c'était parfait et totalement fiable.
 
J'ai marché, tranquillement, paisiblement, me suis arrêté souvent, rien que pour regarder, respirer. Même plus un de ces bergers qui s'arrêtaient tous pour me demander un bonbon, avant de me tendre une patte rêche pour me saluer.
La liberté, en somme, un vrai petit bout de Thoreau au milieu des Andes. Des paysages qui se succèdent, malgré des nuages qui montent doucement, lourds d'eau.
 
Ils m'avaient dit qu'ils continueraient pendant quatre ou cinq heures, selon leurs forces. "Ah? Vous allez terminer ce soir, alors?" Ouais ouais ouais, m'a répondu Gustavo, Bolivien à l'allure de Fakir. J'ai continué, mais je ne les ai pas revu avant le lendemain, où ils m'ont expliqué qu'ils avaient préféré camper, une de leurs camarades étant blesée au genou. Ah, ça, évidemment...
 
24h plus tard, on se connaîtrait encore mieux, Quand un autre d'entre eux, alors que je leur donnais toute ma nourriture superflue en prévision de l'assaut final, pour m'aléger, quand Vladimir m'a surnommé "El Profesor" et fait applaudir pour ma générosité.
 
Elle ne marchait décidément pas vite, mais à ce moment-là, encore suffisamment pour que je ne me sente pas trop retardé en restant derrière elle. Mariana, s'appelait-elle. La copine de Leonardo, j'y reviendrai. Un peu fière, elle ne voulait pas me croire quand je lui conseillais de plier plus le genou dans les descentes, histoire de faire fonctionner l'amortisseur. Moi j'm'en foutais, j'avais déja des stigmates´christiques, en m'étant banané comme un idiot, à admirer la montagne sans regarder où je mettais les pieds. Du coup, j'y ai mis les main, la droite notamment, sur un caillou qui m'a bien éraflé la paume droite. Coup de trouille, demain ou après-demain je suis dans la jungle, désinfectons gaiement. On a beau dire, c'est comme quand on était petit, ça piiiiiiiique!
La troupe de Gustavo, dont faisaient partie Mariana et Leo, je les ai retrouvé un peu plus loin. Ils commençaient s'amuser de me voir revenir toujours à leurs basques, jamais bien loin, toujours prêt à lancer une plaisanterie ou un clin d'oeil. Moi aussi, ça m'amusait. J'étais très bien tout seul, et même si on avait tous à peu près le même âge, on ne faisait pas semblant de fraterniser pour se donner un genre. Y avait là-dedans toutes sortes de visages, des bohèmes et des altermondialistes évidents, des chevelus... Je me suis rendu compte que là, avec mon matériel high-tech (l'altimètre les faisait bien rire, et mon petit rituel de la carte et la boussole aussi, mais ils ne détestaient pas se pencher par-dessus mon épaule), mes cheveux courts et juste une longue barbe, je n'avais plus rien à voir avec l'image de joyeux fan de heavy metal que je donnais de moi-même il y a encore peu. Merde! J'avais l'air d'un bourgeois!
 
J'hésite. Il y a une pierre, là, et une autre après... Mais il faut se baisser, les branches sont basses... Et là, à sonder avec le bâton, il y en a pour un bon 20 centimètres d'une eau pas engageante du tout... Allez, j'y vais. Premier pas, ok, deuxième, ah, non, plouf, et replouf, et oh putain, c'est vachement profond, et merde, mes chaussures sont submergées, c'est froid, on dirait que ça m'aspire, j'y mets la main, celle qui saigne encore, merde! J'avais rêvé, à La Paz, que je tombais dans un trou de vase et que je m'y noyais, tout seul dans la jungle bolivienne. Je me sors de cette cochonnerie, je râle, je peste. Et puis je me dis, merde, on le savait, on dégage, on s'est préparé pour ça, alors on y va, on continue et on arrête les pleurnicheries. Et une heure plus tard, je retmobe sur la bande à Gustavo, avec qui on s'était dit, "oh, ben on campera ensemble, si vous allez jusqu'au Cerro Astillero".
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29 mars 2005 2 29 /03 /mars /2005 13:02
Rien que ça! Le voilà qui s'approprie le maître Joseph Conrad!
 
Ben oui, mais vous savez bien que Conrad est un de mes maîtres, et que ceux qui n'ont pas encore lu Coeur des Ténèbres (Heart of Darkness, Corazon de las Tinieblas, et, euhhhh, bref, cherchez, les autres) devraient le faire illico presto.
 
Salut les amis, la familles, les joyeux compagnons, et tout ça dans le désordre.
 
Vivant. Je suis vivant.
 
Comment commencer? Comment revenir sur une semaine d'épreuves, d'effort, de beauté et de rudesse qui s'est achevée dans un délire de nature, de drogue et de privations?
 
Des allers et retours, peut-être. Commençons dans le désordre, l'ordre se fera peut-être au fil de mes frappes. Et ceux qui le souhaitent, les fans, recevront l'intégrale de mes carnets dûment recopiés dès mon retour à Mexico, y a qu'à en faire la demande, et le Raph vous livre ça chez vous.
 
Ici La Paz, une fois de plus. Vous allez dire que je pompe Apocalypse Now, ce qui est logique puisque j'ai commencé par siphonner Conrad (qui inspira le film, pour ceux qui l'ignoraient encore). Réveillé pas du métal qui tombe dans une caisse en métal, et les bruits de la rue, les sifflets et les klaxons. Une chambre de 5m sur 2, le lit qui prend toute la place, la télé que je n'arrive pas 'a faire marcher, et d'ailleurs je m'en fous. Un miroir m'a renvoyé une image invraisemblable, hier soir. Amaigri, sec comme un coup de trique, sale, des brindilles encore plantées sous la peau, des mains et des bras, et de la terre sur le visage. La peau brûlée, les lèvres gercées. Même respirer m'épuise, aujourd'hui.
Hier, dans le bus qui me ramenait à La Paz, la fenêtre ouverte sur les gouffres qui défilaient à parfois 20 centimètres des roues, je recevais le vent, je lorgnais les flancs, ceux de la montagne bolivienne, dont la couleur n'est finalement que rarement blanche. Je l'ai appris à la dure, cette semaine. La montagne est verte. Un vert sombre, qui la recouvre presque entièrement, depuis ses crêtes parfois habitées d'un hôtel grand luxe jusqu'à ses profondeurs marécageuses ou tourmentées de rios violents. Sous les 3000, la jungle.
 
Je savais que la fin serait éprouvante. Mes carnets disent qu'au matin de ce que je pensais être le dernier jour, j'étais prêt à donner l'assaut final.
 
Et avant? Qu'avais-je fait pour être aussi sombre, aussi dense, ramassé sur moi-même, à flanc d'une montagne, dans une humidité gluante, comme la boue qui avait englouti mes pieds jusqu'aux mollets?
 
Marché. J'avais marché. J'avais commencé dans la bourgade de Tres Rios. Descendu d'un de ces camions-bus si pittoresques à la télé, manoeuvrés par des sagouins qui font hurler des freins agonisants dans les descentes de chemins de traverse, j'avais commencé par rassembler mes affaires, et me diriger vers une sorte d'auberge, ou de restaurant, ou de cabane à peine aménagée. Y avait des voix, celles de deux gnomes d'une vingtaine d'années, bonnet sur la tête, jogging, oeil hagard, manifestement bourrés. "Como estas Pééééé?".
J'ai répondu que bien, et que oui, je voulais bien manger, et même boire. Et l'autre, là, le meneur, le "Pééééé", s'installe en face de moi. C'est un Péruvien, c'est pour ça qu'il ponctue avec des Péééé comme des Argentins diraient Che, et des Marseillais Putaing ou Enculé. Je me dis, ils sont déja bien farcis, finissons-les, admirez la maîtrise du Grand Blanc, j'attrape une bouteille dans chaque main et je verse en simultané. Oh, Ah, Wouah. Je garde quand même un oeil dans la nuque, pour surveiller mon sac, parce que ce Ramiro m'a tout l'air de la mauvaise graine.
J'avais raison. Qu'y a-t-il de pire que de se réveiller avec la gueule de bois? Supporter les divagations d'un ivrogne de vingt ans. Ce Ramiro me demandait environ toutes les deux phrases comment j'allais, et que c'était la fête à Tres Rios, et qu'on allait s'amuser, et qu'on allait boire. J'ai commencé à lui faire comprendre que ce serait sans moi. Ramiro dit, je suis venu du Pérou pour la semaine sainte. Je lui réponds que c'est bien (Et j'en pense que je m'en fiche comme de l'an quarante, et que je veux dégager de ce guêpier, que Tres Rios est sordide, sinistre, et rempli de saligauds comme celui-là. En plus il fait pas beau.).
Et là l'horreur déboule sans prévenir. "Y que tal las Cholitas? Pééééé? Para joder? Péééé?".
Je traduis pour les non-hispanophones. "Et les petites Indiennes? Heeeeeeein? Pour la baise? Heeeeein?".
Vous aimez le racisme, le sexisme? Ramiro est fait pour vous. J'avais déja pris sur moi pour ne pas vomir sur mon voisin de bus qui me posait la même question, clin d'oeil salace et coup de coude, hein mon vieux, hein, les p'tites Indiennes? Comprenez-moi bien, je n'ai rien contre une bonne plaisanterie, fût-elle de mauvais goût. Mais là, la boucle se boucle: Ramiro m'a lancé fièrement qu'il était un indien Aymara. Et m'a prouvé qu'il maîtrisait sa langue originelle. Mais les Cholitas, hein, c'est pas pareil,hein, Péééé, hein, pour la baise, pour s'amuser, hein, qu'est-ce t'en dis Péééé...
Je ne lui dis rien, je dévie, je lui dis que ouais ouais, et que c'est pas tout ça mais qu'il va bien falloir y aller (il s'en fout, il recommande un litre de bière et danse abominablement sur une musique abominable). Ici, la Cholita, ce n'est même plus un être humain. Cet immonde porc (et je pèse mes mots) était prêt à passer de la fierté ethnique au proxénétisme, au maquereautage piteux, parce qu'au-delà des différences qui font qu'un grand blanc et un petit Aymara c'est pas tout à fait pareil, il y a la fierté et la connivence supposées du mâle. Et qu'on est entre nous, hein, les Cholitas c'est pas pareil, nous on peut boire des coups ensemble, les Cholitas c'est pour la baise...
 
Autant vous dire que j'ai fui Tres Rios. Histoire de minimiser les risques, j'ai fait boire Ramiro jusqu'à ce qu'il danse de moins en moins vite, puis je me suis levé, bien droit bien raide, j'ai fait craquer toutes mes jointures bruyamment en le regardant droit dans les yeux sans sourire, et quand son copain m'a demandé quel âge j'avais et quel travail je faisais, je me suis ajouté cinq ans et je me suis inventé une carrière passée de dix ans dans l'armée. Sans sourire. Et puis je suis sorti, et je me suis barré de ce bled effrayant, sans regarder ma carte, sans rien sortir, j'ai laissé la brume moite se refermer sur le spectre du grand blanc.
 
Ça doit en faire marrer un paquet d'entre vous, ça. Raphaël le Militaire! Mais pour un petit salaud comme Ramiro, à qui j'ai promis de repasser sur le chemin du retour, ça a suffi.
 
Ce n'était que le début d'une légende.
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29 mars 2005 2 29 /03 /mars /2005 13:00
Des fois que vous vous connectiez, juste un mot pour dire que je suis 1/bien rentré, 2/bien vivant, 3/bien mort (de fatigue), et que comme les journées ont été longues, je vais aller me taper un poulet frit ou un truc comme ça avant d'aller au dodo (il est 22h18, ici...).
 
Plein d'histoires que vous ne croirez pas demain, promis.
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22 mars 2005 2 22 /03 /mars /2005 13:09

Alors celle-lá, vous ne l'attendiez pas!

D'abord, deux messages dans la journée, ca fait beaucoup pour un gars qui vous prenait de grands airs théatraux pour partir. Ca fait un peu adieux à la Sheila, pour les plus francais d'entre vous. Mais que voulez-vous, je flane, la nuit tombée,dans les rues fauves de La Paz,attendant que mon estomac me tire par la manche, satisfait d'avoir accompli le plus difficile, c'est á dire fermer mon sac une fois rempli, alors je me dis, donnons-leur quelques pensées sereines, des pensées de mains dans les poches.

Allez, revenons á La Paz. Le poids historique commence á m'imprégner. Cette ville est une aberration. Les collines de Rome, c'est la grande platitude: regardant dans l'enfilade d'une rue, on découvre une muraille toute proche, et sur cette muraille, des maisons! Donc des rues! Et des églises, différentes de mes églises mexicaines, comme luxuriantes, comme si arrachées aux herbes et aux forets, sortes d'Angkor-Vat urbains. Et les petits chapeaux des femmes, qui portent, comme convenu, des bébés dans des couvertures.
Mais La Paz, c'est aussi la mode des cireurs de chaussures-braqueurs de banque: Passe montagne et casquette, seule une fente laisse deviner des yeux. Tentant!
La PAz, c'est aussi des magasins d'artisanat á tomber par terre (J'aurai pas du dire ca, les commandes vont affluer...). La Paz,c'est aussi pas mal de superstitions assez surprenantes, dont celle du foetus de lama. Je n'invente rien, c'est pas pour faire vomir les plus sensibles d'entre vous, je prendrai des photos si vous ne me croyez pas. Le topo, c'est qu'il faut une cérémonie religieuse quand on construit sa maison. Je suppose qu'il y a de l'encens, des chants, des danses, des coups á boire, et un foetus de lama. En fait, il y a un lama, sacrifié pour l'occasion. Pauvre bete. Mais voila, le lama c'est sympa, le lama c'est cher, et le lama ca peut servir á autre chose que de fondation de maison. Donc, a défaut d'un vrai, d'un beau lama fringant, on en prend un petit, tout ratatiné, sec et mort: un foetus. Et ou trouve-t-on des foetus de lama? Ben dans la rue, mon vieux! Y a qu'à se baisser pour en ramasser, comme dirait l'autre! Ils sont lá, entre les boites en bois et les paquets d'encens, accrochés par grappes, par le coup, pas l'air trés content d'étre lá, avec deja des poils dans certains cas.Bon,lá, je ne garantis pas que j'en raménerai...
La Paz, c'est le point de rencontre entre les urbains, qui n'ont pas l'air bien différents de vous et moi, enfin ca dépend des vous, d'une part, et des autres. LEs autres... les Indiens vrai de vrai, Quechua et Aymara, si je ne raconte pas de betises. Des visages qu'on remarque, surtout qu'ils sont généralement occupés á vous remarquer vous. Silencieux, discrets, menus. L'une d'elle tronait au milieu de son étalage, tout á l'heure au marché, perchée a un bon deux mètres du sol. Une autre était courbée en deux á en renifler le sol. Pauvreté, misére, je vous l'ai dit. 

 La Paz, c'est aussi, et l'enchaînement est voulu, le Katmandu de l'Amerique du Sud,puisque la Bolivie est qualifiée de Népal de la même Amérique. Inutile de vous dire que d'entendre parler de George Bush, ici, ca fait autant rire que pleurer. "Est-ce ainsi que les hommes vivent?", se demandait, en substance, Aragon. Ben oui, cher Louis, semblerait. Et c'est impressionant. Surtout lorsque vous déambulez au
hasard des rues pour y glaner quelques piéces d'équipement. On se sent extérieur, on se dit qu'on ne fait que passer, qu'on est lá presque par hasard, et que nos gueules d'occidentaux vont aller rejoindre les montagnes vite fait. Mais lá est le probléme. Des gueules d'occidentaux, j'en ai croisé, pas mal. Pas discuté avec, vous me connaissez, je ne suis Francais qu'en France. Tout comme moi, ils furétent, achétent, chuchotent (bon, moi pas trop, parce que si je parle tout seul en plus d'etre blanc, je suis bon pour les mines de sel), accumulent, se poussent du coude, et surtout... regardent le monde avec un sourire compatissant.
Ah ben oui, mais qu'est-ce que tu fais, toi, depuis tout á l'heure? Tu nous la vends pas, ta compassion bon marché d'occidental petit-bourgeois en pélerinage sur les traces du Che?  Ben lá est le probléme. Moi qui n'aime rien tant que me payer la tête des autres, je dois dire que j'en ai un peu dans mon assiette, lá. J'ai pas la réponse. Je ne suis meme pas sur d'avoir compris la question, maintenant que je suis ici. 
Revenons au matériel, le mien en l'occurence. Faut que j'vous raconte... Ce matin, je tente ma chance dans le premier loueur de matériel venu. Je suis recu, faut voir comme, mais alors royal. Tout.Ils avaient tout, les bougres. Une tente ? Tiens mon gars. Un matelas? Voici mon brave. Un réchaud? Celui-lá, ca va? Du GAAAAAAAAS? Bien entendu.  Venait la quesiton des cartes, vous vous souvenez? J'ai passé pas mal de temps á discuter, penché sur un tas de cartes, avec le monsieur trés aimable de l'IGM (cf. mail précédent)qui finit donc par m'en vendre trois pour le prix d'un timbre-poste de chez nous.  Aprés une sieste qui me réveilla dans le meme état que Martin Sheen dans Apocalypse Now, je décidai (voici votre passé simple, mes chers amis de l'Alliance de San Angel, vous voyez qu'on peut s'en servir au vingt-et-unieme siecle...) de retourner chez les loueurs sympas. Ils m'avaient dit de repasser.  Mes cartes sous le bras, j'entre dans le bureau qui sert de magasin, et le gaillard m'y accueille joyeusement. Il attrape un feutre, et nous voila partis pour l'exploration papetiere. Il connait ma route, il conseille, il trace, il contourne et detourne. Lá y a de l'eau, lá y en a pas. Lá y faut dormir, lá y faut pas. Et pourquoi? Bon, je le savais, mais je voulais etre sur. "Bon, ben vous voyez, y a toujours des problémes pres de cette lagune. Personne veut y dormir." Ah bon. Mais pourquoi (je le savais, mais quelle joie...)? "Ben, euh, c'est á dire que la lagune est enchantée, alors il y a toujours des choses bizarres qui s'y passent... " Mais quel genre? Le serpent géant, c'est ca? "Bon, ouais, le serpent, enfin des serpents, et puis une sorte (sourire) de taureau qui sort de l'eau, enfin, bon, personne ne veut y dormir, c'est joli dans la journée, mais la nuit c'est chiant (pesado, traduction un peu libre mais correspondant au ton de la conversation). Surtout tout seul". Ouais. RAAAAAAAAH PUTAIN que j'irais bien!! Mais bon, c'est pas vraiment sur ma route, j'y ferai peut-etre un saut, mais malheureusement, il semble que la confrontation ultime, Raphael contre les Serpents Géants, n'aura pas lieu. Frustration, tiens. 


Oú en suis-je?
Il est 7h35 du soir, et le rock jaillit et beugle de tous les magasins. Dans la journée, c'était de la musique traditionnelle, vous savez, la petite guitare, la flute de Pan... Au début, je me suis dit,"Oh chouette, on se croirait en France!". Et puis finalement, je me suis rendu compte que c'était une véritable bande sonore qui accompagnait chacune de mes allées et venues. J'ai ca dans la tete, ainsi que pas mal d'autres choses.  J'ai recu de vos parts a tous pas mal de mails vachement touchants, meme des qui m'ont surpris, comme quoi les cyniques ont un coeur, je donnerai pas les noms parce qu'ils sont souvent pudiques aussi, mais je peux vous dire que demain, vous serez tous avec moi.  Je peux dire aussi qu'a voir le nombre de messages d'encouragement et de sympathie, les tournées générales vont se multiplier a mon retour, au Mexique, en France, et ailleurs.  Je suis bien. Heureux, meme pas stressé. Demain, je marcherai. Pas encore beaucoup,ce sera surtout un
sacré voyage en bus. Mais je serai lancé, carte dans une main, boussole dans l'autre. Je commence par me faufiler entre l'Illimani et le Mururato, cherchez donc des photos sur Internet. Ces montagnes, compagnons d'armes, ont une bien autre figure que les nôtres, ou meme que celles de mon Mexique d'adoption. Ce sont de véritables monstres, pleins de dents, de griffes, de dos cambrés et d'échines en arete de poisson. Et la proportion n'y fait rien, j'ai beau être á 3471m, ces montagnes me donnent encore l'impression de me surplomber de 6000m.  Allez, cette fois c'est pour de bon, je fais le noir pendant une bonne semaine, et comme j'ai dit, pas d'inquiétude si ca se prolongeait un peu. Vous allez voir, on va bien s'amuser.

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21 mars 2005 1 21 /03 /mars /2005 12:57
Les amis, je la ferai courte, mais bonne j'espère.
 
Je suis donc bien arrivé à La Paz, 3471m d'après l¡altimètre de Jan, frère d'Allan, que j'ai pas fini de remercier.
Je peux  donc vous confirmer que oui, vingt dieux, on la sent, l'altitude. Bon, pas tant que ca non plus, je vis quand même à 2200m depuis septembre, hein... Mais voilà, ici, quand une rue monte, elle monte. Pour de vrai. Et quand vous la remontez, sac de jute bleu au dos (contenant tente, réchaud, popote, matelas, GAAAAAAAAAS, fraîchement loués à des gens formidables, qui vous conseillent sur la route à prendre e ttout et tout, et qui n'ouvrent pas de grands yeux quand vous leur dites que vous partez solito), et cartes fraîchement  achetées à l'Instituto Geographico Militar (ça rigole pas avec la topographie, nom de Dieu! Bon, dans le lot, y  a une photocopie, l'original étant en rupture de stock), ça monte vraiment  (avec toutes ces parenthèses, j'avoue que moi-même, je me demande ce que je raconte...)!
 
Bien arrivé donc, au pays dees femmes en chignon et chapeau presque melon sur la tête, et de la flûte de pan. Quand vous dévoucrez la Bolivie en arrivant à 6 heures du matin, déchenillé de fatigue, vous voyez uun truc : l'Illimani. Trois pics qui semblent des  nuées, avant de se convertir, au fil de la descente, en monument dee glace et de roche. 6400m et des poussières.  Et pas loin, le...le...le... ah, le nom m'échappe, mais c'est pire, c'est à dire mieux. Je rassure, je ne vais que PRÈS dudit Illimani. Une promenade.
 
Avant le programme détaillé, La Paz, enfin ce que j'en ai vu. Quand vous sortez de l'aéroport de  l'Alto (bien nommé, à plus de 3000m d'altitude), vous entrez rrapidement dans la réalité qui fait mal: on dort dansles rues (mais ça, ça arrive en France aussi, alors n'allons pas s'effaroucher non plus), et les constructions pauvres sont vraiment pauvres. La misère féroce, qui ne vous laisse pas de marge relativiste. Ici on est pauvre, et pour de vrai. On ne vend pas de tout et de rien, on le mendie. Les constructions sont en style "pas fini", et le resteront apparemment.  Autant dire qu'au début, même en venant de Mexico, chers européens qui me lisez, on demeure un peu estomaqué.  Bon, je le savais, hein, mais c'est toujours différent en vrai, qu'on dit.
D'après mon chauffeur de taxi, la situation politique s'améliore, et, je cite "vous pourrez vous promener dans les montagnes tranquillement". Youpi... 
La Paz, au centre, c'est aussi et quand même de l'histoire bien présente et bien massive, sous forme de cathédrales, monuments et grandes rues avec demeures de style colonial indéterminables d'âge. Mais bon, ,je vous dis, je suis là depuis une poignée d'heures, alors à part Javier, je ne connais pas encore grand chose.
Qui est Javier? Aaaaaah, vous saviez bien qu'il y avait déja de l'incroyable à raconter. Javier parle.  Je pense qu'il entend, mais en tout  cas il parle. C'est le seul de l'hôtel Morumbi, jusque là. Non, vous ne rêvez pas. Je suis dans un hôtel de muets. Ils vont et viennent, lavent et bricolent, indiquent le fonctionnement de la télécommande de la télé (immédiatement éteinte par mes soins), et vous saluent avec le sourire. Par contre, c'est pas des bavards... Je n'irai pas jusqu'à dire pour autant que l'endroit est calme : On a beau être muet, on n'en demeure pas moins humain, donc bruyant.
Pas croire non plus que ma sieste d'arrivée allait se dérouler dans le silence de la mer.
 
Allez, le programme, maintenant.
Je vais donc commencer par le petit village de Tres Rios, avant de foncer vers la mine abandonnée de Siberia, entre l'Illimani et le Mururata,  un beau bébé lui aussi . Ensuite, direction Lambate, Chuñavi , Khala Ciudad et Chulumani. D'après mes amis loueurs, y en aurait pour une semaine ferme. Ça me va, tonnerre de chien. On me dit qu'il peut pleuvoir une heure par jour, peu me chaut, je suis préparé pour ça . L'altitude va se soigner au maté de coca (pas cola), le matériel est pratiquement rassemblé. Ah oui, faut acheter à manger, aussi...
Mais à part ces détails, j'y suis les amis, j'y suis. Les visages pâles commencent à se faire rares, bon débarras, les enfants hurleurs de l'avion ne me manquent pas, et quant à moi, je me sens en pleine forme pour en découdre. Car il y aura confrontation, soyons réalistes. La nature, la montagne, tout ça se gère, , s'apprivoise, se prépare . Je ne suis pas superstitieux, et pas si mystique que je n'ai pas avec moi la volonté sauvage de confronter aussi mon savoir, ma technique et mes petites forces à cette histoire-là. On verra bien ce qui reviendra de là-bas dans une semaine et quelques, mais ça sera différent, comme j'ai dit. Peut-être pas plus mal que maintenant, d'ailleurs. De totues façons, j'en ai trop parlé, maintenant, il faut y aller.
 
C'est d'ailleurs ce que je vais faire, à présent. Je pense redonner signe de vie avant le retour à Mexico, mais dans le doute, je maintiens mes consignes de non-inquiétude avant le 04/04 .
 
Je vais bien, je vous embrasse ou vous serre les pognes selon les cas, et vous laisse là.
 
À bientôt, joyeux camarades, amis, famille et les autres.
 
Raph
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