Mes virées, mes carnets...Bienvenue chez moi. C'est-à-dire nulle part.
Alors celle-lá, vous ne l'attendiez pas!
D'abord, deux messages dans la journée, ca fait beaucoup pour un gars qui vous prenait de grands airs théatraux pour partir. Ca fait un peu adieux à la Sheila, pour les plus francais d'entre vous. Mais que voulez-vous, je flane, la nuit tombée,dans les rues fauves de La Paz,attendant que mon estomac me tire par la manche, satisfait d'avoir accompli le plus difficile, c'est á dire fermer mon sac une fois rempli, alors je me dis, donnons-leur quelques pensées sereines, des pensées de mains dans les poches.
Allez, revenons á La Paz. Le poids historique commence á m'imprégner. Cette ville est une aberration. Les collines de Rome, c'est la grande platitude: regardant dans l'enfilade d'une rue, on découvre une muraille toute proche, et sur cette muraille, des maisons! Donc des rues! Et des églises, différentes de mes églises mexicaines, comme luxuriantes, comme si arrachées aux herbes et aux forets, sortes d'Angkor-Vat urbains. Et les petits chapeaux des femmes, qui portent, comme convenu, des bébés dans des couvertures. Mais La Paz, c'est aussi la mode des cireurs de chaussures-braqueurs de banque: Passe montagne et casquette, seule une fente laisse deviner des yeux. Tentant!
La PAz, c'est aussi des magasins d'artisanat á tomber par terre (J'aurai pas du dire ca, les commandes vont affluer...). La Paz,c'est aussi pas mal de superstitions assez surprenantes, dont celle du foetus de lama. Je n'invente rien, c'est pas pour faire vomir les plus sensibles d'entre vous, je prendrai des photos si vous ne me croyez pas. Le topo, c'est qu'il faut une cérémonie religieuse quand on construit sa maison. Je suppose qu'il y a de l'encens, des chants, des danses, des coups á boire, et un foetus de lama. En fait, il y a un lama, sacrifié pour l'occasion. Pauvre bete. Mais voila, le lama c'est sympa, le lama c'est cher, et le lama ca peut servir á autre chose que de fondation de maison. Donc, a défaut d'un vrai, d'un beau lama fringant, on en prend un petit, tout ratatiné, sec et mort: un foetus. Et ou trouve-t-on des foetus de lama? Ben dans la rue, mon vieux! Y a qu'à se baisser pour en ramasser, comme dirait l'autre! Ils sont lá, entre les boites en bois et les paquets d'encens, accrochés par grappes, par le coup, pas l'air trés content d'étre lá, avec deja des poils dans certains cas.Bon,lá, je ne garantis pas que j'en raménerai...
La Paz, c'est le point de rencontre entre les urbains, qui n'ont pas l'air bien différents de vous et moi, enfin ca dépend des vous, d'une part, et des autres. LEs autres... les Indiens vrai de vrai, Quechua et Aymara, si je ne raconte pas de betises. Des visages qu'on remarque, surtout qu'ils sont généralement occupés á vous remarquer vous. Silencieux, discrets, menus. L'une d'elle tronait au milieu de son étalage, tout á l'heure au marché, perchée a un bon deux mètres du sol. Une autre était courbée en deux á en renifler le sol. Pauvreté, misére, je vous l'ai dit.
La Paz, c'est aussi, et l'enchaînement est voulu, le Katmandu de l'Amerique du Sud,puisque la Bolivie est qualifiée de Népal de la même Amérique. Inutile de vous dire que d'entendre parler de George Bush, ici, ca fait autant rire que pleurer. "Est-ce ainsi que les hommes vivent?", se demandait, en substance, Aragon. Ben oui, cher Louis, semblerait. Et c'est impressionant. Surtout lorsque vous déambulez au
hasard des rues pour y glaner quelques piéces d'équipement. On se sent extérieur, on se dit qu'on ne fait que passer, qu'on est lá presque par hasard, et que nos gueules d'occidentaux vont aller rejoindre les montagnes vite fait. Mais lá est le probléme. Des gueules d'occidentaux, j'en ai croisé, pas mal. Pas discuté avec, vous me connaissez, je ne suis Francais qu'en France. Tout comme moi, ils furétent, achétent, chuchotent (bon, moi pas trop, parce que si je parle tout seul en plus d'etre blanc, je suis bon pour les mines de sel), accumulent, se poussent du coude, et surtout... regardent le monde avec un sourire compatissant.
Ah ben oui, mais qu'est-ce que tu fais, toi, depuis tout á l'heure? Tu nous la vends pas, ta compassion bon marché d'occidental petit-bourgeois en pélerinage sur les traces du Che? Ben lá est le probléme. Moi qui n'aime rien tant que me payer la tête des autres, je dois dire que j'en ai un peu dans mon assiette, lá. J'ai pas la réponse. Je ne suis meme pas sur d'avoir compris la question, maintenant que je suis ici.
Revenons au matériel, le mien en l'occurence. Faut que j'vous raconte... Ce matin, je tente ma chance dans le premier loueur de matériel venu. Je suis recu, faut voir comme, mais alors royal. Tout.Ils avaient tout, les bougres. Une tente ? Tiens mon gars. Un matelas? Voici mon brave. Un réchaud? Celui-lá, ca va? Du GAAAAAAAAS? Bien entendu. Venait la quesiton des cartes, vous vous souvenez? J'ai passé pas mal de temps á discuter, penché sur un tas de cartes, avec le monsieur trés aimable de l'IGM (cf. mail précédent)qui finit donc par m'en vendre trois pour le prix d'un timbre-poste de chez nous. Aprés une sieste qui me réveilla dans le meme état que Martin Sheen dans Apocalypse Now, je décidai (voici votre passé simple, mes chers amis de l'Alliance de San Angel, vous voyez qu'on peut s'en servir au vingt-et-unieme siecle...) de retourner chez les loueurs sympas. Ils m'avaient dit de repasser. Mes cartes sous le bras, j'entre dans le bureau qui sert de magasin, et le gaillard m'y accueille joyeusement. Il attrape un feutre, et nous voila partis pour l'exploration papetiere. Il connait ma route, il conseille, il trace, il contourne et detourne. Lá y a de l'eau, lá y en a pas. Lá y faut dormir, lá y faut pas. Et pourquoi? Bon, je le savais, mais je voulais etre sur. "Bon, ben vous voyez, y a toujours des problémes pres de cette lagune. Personne veut y dormir." Ah bon. Mais pourquoi (je le savais, mais quelle joie...)? "Ben, euh, c'est á dire que la lagune est enchantée, alors il y a toujours des choses bizarres qui s'y passent... " Mais quel genre? Le serpent géant, c'est ca? "Bon, ouais, le serpent, enfin des serpents, et puis une sorte (sourire) de taureau qui sort de l'eau, enfin, bon, personne ne veut y dormir, c'est joli dans la journée, mais la nuit c'est chiant (pesado, traduction un peu libre mais correspondant au ton de la conversation). Surtout tout seul". Ouais. RAAAAAAAAH PUTAIN que j'irais bien!! Mais bon, c'est pas vraiment sur ma route, j'y ferai peut-etre un saut, mais malheureusement, il semble que la confrontation ultime, Raphael contre les Serpents Géants, n'aura pas lieu. Frustration, tiens.
Oú en suis-je?
Il est 7h35 du soir, et le rock jaillit et beugle de tous les magasins. Dans la journée, c'était de la musique traditionnelle, vous savez, la petite guitare, la flute de Pan... Au début, je me suis dit,"Oh chouette, on se croirait en France!". Et puis finalement, je me suis rendu compte que c'était une véritable bande sonore qui accompagnait chacune de mes allées et venues. J'ai ca dans la tete, ainsi que pas mal d'autres choses. J'ai recu de vos parts a tous pas mal de mails vachement touchants, meme des qui m'ont surpris, comme quoi les cyniques ont un coeur, je donnerai pas les noms parce qu'ils sont souvent pudiques aussi, mais je peux vous dire que demain, vous serez tous avec moi. Je peux dire aussi qu'a voir le nombre de messages d'encouragement et de sympathie, les tournées générales vont se multiplier a mon retour, au Mexique, en France, et ailleurs. Je suis bien. Heureux, meme pas stressé. Demain, je marcherai. Pas encore beaucoup,ce sera surtout un
sacré voyage en bus. Mais je serai lancé, carte dans une main, boussole dans l'autre. Je commence par me faufiler entre l'Illimani et le Mururato, cherchez donc des photos sur Internet. Ces montagnes, compagnons d'armes, ont une bien autre figure que les nôtres, ou meme que celles de mon Mexique d'adoption. Ce sont de véritables monstres, pleins de dents, de griffes, de dos cambrés et d'échines en arete de poisson. Et la proportion n'y fait rien, j'ai beau être á 3471m, ces montagnes me donnent encore l'impression de me surplomber de 6000m. Allez, cette fois c'est pour de bon, je fais le noir pendant une bonne semaine, et comme j'ai dit, pas d'inquiétude si ca se prolongeait un peu. Vous allez voir, on va bien s'amuser.