3 août 2009
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Jours 25 & 26, rédigé le lundi 03 août 2009, au bord mythique de l’Estany des Mangades.
Mythique et héroïque. A ne plus savoir par où commencer.
Je n’ai pas écrit le journal des événements hier soir, ne m’en sentant pas vraiment l’envie, et surtout, c’eût été dangereux pour le moral des troupes, à commencer par le mien.
Car hier soir, Matthieu était perdu.
Bien simple, Chris et moi avions planté le bivouac presque au milieu du chemin, dans l’espérance qu’il passerait par là.
Une bifurcation loupée. Cela tient à ça. Nous arrivons au Lac de Rius, persuadés, Chris et moi, que nous trouverons le troisième larron confortablement installé à nous attendre, comme prévu. Il est 16h30. Nous avons plaisanté à la dernière pause, à 15h, sur le fait que, bien qu’il ne porte pas de montre, Matt nous attend toujours toujours au bout de 25mn. Cette dernière heure et demie sans pause, nous l’avons mise sur le compte de l’envie d’en finir avec cette longue montée. Mais à présent, où est-il? Nous poursuivons la route, longeons le beau Rius dans l’espoir de le trouver derrière une pierre. Ou même en train de planter sa tente, le mauvais temps menaçant.
Rien ni personne. Je rattrape un couple d’Espagnols charmants, qui taillent la route avec un tout petit chien, cousin du fameux Tango. Non, ils n’ont pas éé dépassés par un robuste Français, portant un énorme sac à dos.
17h05, il faut s’arrêter. Il ne serait pas devant. Comment pourrait-il être derrière? Le lac est immense, le vent se refroidit, il faut se décider. Après une tentative vers un chemin de traverse, nous installons le bivouac, sans panique, mais tendus.
J’ai appelé. Prononcer le nom de son frère pour le brailler au vent serre la gorge. Nous tentons le coup de sifflet. Les stridences rebondissent sur la rocaille, sur l’eau, sur le ciel peut-être.
Nous dînons, récapitulons, énumérons, échafaudons, aplanissons.
Rien ne semble logique.
Nous nous couchons. Chris le dit bien : il ne se passera plus rien ce soir. La nuit vient. Je lis. Je sais que selon toute logique, où qu’il soit, Matt aura planté sa tente et se sera couché dans son duvet au confort à -35°C. Il a de la nourriture, de l’eau. Il a surtout une condition physique exceptionnelle et un métier de la montagne impressionnant. La logique est avec nous. Reste l’absurde.
Je chasse les pensées et les images les plus sinistres. Elles n’ont pas de sens. Le sentier est une autoroute, et les chutes de pierre inimaginables. Quant à dégirngoler hors de vue... Je chasse tout cela, toute cette sasloperie poisseuse et contre-productive. Ca ne sert à rien, ça n’aide pas. Si je dois affronter ces visions devenues réalité, revenir des années en arrière, ce sera plus tard. Pas maintenant.
Je vais me coucher, après quelques lugubres coups de sifflet.
Au matin, je m’équipe et retourne en arrière. Je siffle encore. Je m’attarde pour observer les environs. Rien ni personne, jusqu’à tomber -fausse joie!- sur deux Français qui ont bivouaqué à l’entrée du lac, et ne l’ont pas vu non plus.
La prochaine étape est donc la redescente complète, pour tâcher d’y voir clair, et peut-être, d’appeler les secours.
Les deux Français suggèrent bien une erreur à la bifurcation avec le Lac de Redon, mais comment savoir? Nous y attendrons.
Nous laissons les deux marcheurs avec la description complète du disparu, puis commençons à préparer un petit-déjeuner, Chris et moi.
L’eau bout, je gamberge. Puis de derrière la tente, une voix bien connue retentit. “Sir Loin? Lord Rumsteak?” (surnoms débiles que nous nous sommes joyeusement attribués voilà cinq jours).
Comme si de rien n’était!
Embrassades et accolades, rigolade surtout. Il s’était trompé à l’embranchement, et a passé la nuit près du sinistre Lac Redon, avant de conclure à l’erreur et de revenir nous trouver. Bien joué!
Ce soir, au bord du lac qui ressemble à un Loch, nous improvisons, sur une idée de Matt, des blues a cappella. Nous sommes bien. Mieux que bien.
Je n’ai pas souhaité écrire cet épisode en temps réel. Non par superstition, ni parce que je déprécierais -en aucune manière!- l’acte d’écrire, mais tout simplement, parce qu’hier soir, bien que je me sois efforcé de dormir, c’était le temps de l’action. L’introspection aurait pu avoir de néfastes conséquences au moral.
Mythique et héroïque. A ne plus savoir par où commencer.
Je n’ai pas écrit le journal des événements hier soir, ne m’en sentant pas vraiment l’envie, et surtout, c’eût été dangereux pour le moral des troupes, à commencer par le mien.
Car hier soir, Matthieu était perdu.
Bien simple, Chris et moi avions planté le bivouac presque au milieu du chemin, dans l’espérance qu’il passerait par là.
Une bifurcation loupée. Cela tient à ça. Nous arrivons au Lac de Rius, persuadés, Chris et moi, que nous trouverons le troisième larron confortablement installé à nous attendre, comme prévu. Il est 16h30. Nous avons plaisanté à la dernière pause, à 15h, sur le fait que, bien qu’il ne porte pas de montre, Matt nous attend toujours toujours au bout de 25mn. Cette dernière heure et demie sans pause, nous l’avons mise sur le compte de l’envie d’en finir avec cette longue montée. Mais à présent, où est-il? Nous poursuivons la route, longeons le beau Rius dans l’espoir de le trouver derrière une pierre. Ou même en train de planter sa tente, le mauvais temps menaçant.
Rien ni personne. Je rattrape un couple d’Espagnols charmants, qui taillent la route avec un tout petit chien, cousin du fameux Tango. Non, ils n’ont pas éé dépassés par un robuste Français, portant un énorme sac à dos.
17h05, il faut s’arrêter. Il ne serait pas devant. Comment pourrait-il être derrière? Le lac est immense, le vent se refroidit, il faut se décider. Après une tentative vers un chemin de traverse, nous installons le bivouac, sans panique, mais tendus.
J’ai appelé. Prononcer le nom de son frère pour le brailler au vent serre la gorge. Nous tentons le coup de sifflet. Les stridences rebondissent sur la rocaille, sur l’eau, sur le ciel peut-être.
Nous dînons, récapitulons, énumérons, échafaudons, aplanissons.
Rien ne semble logique.
Nous nous couchons. Chris le dit bien : il ne se passera plus rien ce soir. La nuit vient. Je lis. Je sais que selon toute logique, où qu’il soit, Matt aura planté sa tente et se sera couché dans son duvet au confort à -35°C. Il a de la nourriture, de l’eau. Il a surtout une condition physique exceptionnelle et un métier de la montagne impressionnant. La logique est avec nous. Reste l’absurde.
Je chasse les pensées et les images les plus sinistres. Elles n’ont pas de sens. Le sentier est une autoroute, et les chutes de pierre inimaginables. Quant à dégirngoler hors de vue... Je chasse tout cela, toute cette sasloperie poisseuse et contre-productive. Ca ne sert à rien, ça n’aide pas. Si je dois affronter ces visions devenues réalité, revenir des années en arrière, ce sera plus tard. Pas maintenant.
Je vais me coucher, après quelques lugubres coups de sifflet.
Au matin, je m’équipe et retourne en arrière. Je siffle encore. Je m’attarde pour observer les environs. Rien ni personne, jusqu’à tomber -fausse joie!- sur deux Français qui ont bivouaqué à l’entrée du lac, et ne l’ont pas vu non plus.
La prochaine étape est donc la redescente complète, pour tâcher d’y voir clair, et peut-être, d’appeler les secours.
Les deux Français suggèrent bien une erreur à la bifurcation avec le Lac de Redon, mais comment savoir? Nous y attendrons.
Nous laissons les deux marcheurs avec la description complète du disparu, puis commençons à préparer un petit-déjeuner, Chris et moi.
L’eau bout, je gamberge. Puis de derrière la tente, une voix bien connue retentit. “Sir Loin? Lord Rumsteak?” (surnoms débiles que nous nous sommes joyeusement attribués voilà cinq jours).
Comme si de rien n’était!
Embrassades et accolades, rigolade surtout. Il s’était trompé à l’embranchement, et a passé la nuit près du sinistre Lac Redon, avant de conclure à l’erreur et de revenir nous trouver. Bien joué!
Ce soir, au bord du lac qui ressemble à un Loch, nous improvisons, sur une idée de Matt, des blues a cappella. Nous sommes bien. Mieux que bien.
Je n’ai pas souhaité écrire cet épisode en temps réel. Non par superstition, ni parce que je déprécierais -en aucune manière!- l’acte d’écrire, mais tout simplement, parce qu’hier soir, bien que je me sois efforcé de dormir, c’était le temps de l’action. L’introspection aurait pu avoir de néfastes conséquences au moral.