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Mes virées, mes carnets...Bienvenue chez moi. C'est-à-dire nulle part.

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 22:01
Jours 25 & 26, rédigé le lundi 03 août 2009, au bord mythique de l’Estany des Mangades.

Mythique et héroïque. A ne plus savoir par où commencer.
Je n’ai pas écrit le journal des événements hier soir, ne m’en sentant pas vraiment l’envie, et surtout, c’eût été dangereux pour le moral des troupes, à commencer par le mien.
Car hier soir, Matthieu était perdu.
Bien simple, Chris et moi avions planté le bivouac presque au milieu du chemin, dans l’espérance qu’il passerait par là.
Une bifurcation loupée. Cela tient à ça. Nous arrivons au Lac de Rius, persuadés, Chris et moi, que nous trouverons le troisième larron confortablement installé à nous attendre, comme prévu. Il est 16h30. Nous avons plaisanté à la dernière pause, à 15h, sur le fait que, bien qu’il ne porte pas de montre, Matt nous attend toujours toujours au bout de 25mn. Cette dernière heure et demie sans pause, nous l’avons mise sur le compte de l’envie d’en finir avec cette longue montée. Mais à présent, où est-il? Nous poursuivons la route, longeons le beau Rius dans l’espoir de le trouver derrière une pierre. Ou même en train de planter sa tente, le mauvais temps menaçant.
Rien ni personne. Je rattrape un couple d’Espagnols charmants, qui taillent la route avec un tout petit chien, cousin du fameux Tango. Non, ils n’ont pas éé dépassés par un robuste Français, portant un énorme sac à dos.
17h05, il faut s’arrêter.  Il ne serait pas devant. Comment pourrait-il être derrière? Le lac est immense, le vent se refroidit, il faut se décider. Après une tentative vers un chemin de traverse, nous installons le bivouac, sans panique, mais tendus.
J’ai appelé. Prononcer le nom de son frère pour le brailler au vent serre la gorge. Nous tentons le coup de sifflet. Les stridences rebondissent sur la rocaille, sur l’eau, sur le ciel peut-être.
Nous dînons, récapitulons, énumérons, échafaudons, aplanissons.
Rien ne semble logique.
Nous nous couchons. Chris le dit bien : il ne se passera plus rien ce soir. La nuit vient. Je lis. Je sais que selon toute logique, où qu’il soit, Matt aura planté sa tente et se sera couché dans son duvet au confort à -35°C. Il a de la nourriture, de l’eau. Il a surtout une condition physique exceptionnelle et un métier de la montagne impressionnant. La logique est avec nous. Reste l’absurde.
Je chasse les pensées et les images les plus sinistres. Elles n’ont pas de sens. Le sentier est une autoroute, et les chutes de pierre inimaginables. Quant à dégirngoler hors de vue... Je chasse tout cela, toute cette sasloperie poisseuse et contre-productive. Ca ne sert à rien, ça n’aide pas. Si je dois affronter ces visions devenues réalité, revenir des années en arrière, ce sera plus tard. Pas maintenant.
Je vais me coucher, après quelques lugubres coups de sifflet.
Au matin, je m’équipe et retourne en arrière. Je siffle encore. Je m’attarde pour observer les environs. Rien ni personne, jusqu’à tomber -fausse joie!- sur deux Français qui ont bivouaqué à l’entrée du lac, et ne l’ont pas vu non plus.
La prochaine étape est donc la redescente complète, pour tâcher d’y voir clair, et peut-être, d’appeler les secours.
Les deux Français suggèrent bien une erreur à la bifurcation avec le Lac de Redon, mais comment savoir? Nous y attendrons.
Nous laissons les deux marcheurs avec la description complète du disparu, puis commençons à préparer un petit-déjeuner, Chris et moi.
L’eau bout, je gamberge. Puis de derrière la tente, une voix bien connue retentit. “Sir Loin? Lord Rumsteak?” (surnoms débiles que nous nous sommes joyeusement attribués voilà cinq jours).
Comme si de rien n’était!
Embrassades et accolades, rigolade surtout. Il s’était trompé à l’embranchement, et a passé la nuit près du sinistre Lac Redon, avant de conclure à l’erreur et de revenir nous trouver. Bien joué!
Ce soir, au bord du lac qui ressemble à un Loch, nous improvisons, sur une idée de Matt, des blues a cappella. Nous sommes bien. Mieux que bien.



Je n’ai pas souhaité écrire cet épisode en temps réel. Non par superstition, ni parce que je déprécierais -en aucune manière!- l’acte d’écrire, mais tout simplement, parce qu’hier soir, bien que je me sois efforcé de dormir, c’était le temps de l’action. L’introspection aurait pu avoir de néfastes conséquences au moral.
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1 août 2009 6 01 /08 /août /2009 21:59
Jour 24, samedi 1er août 2009, Estany Gran, 21h 40.

Pour commencer, la fin. Wow ! Ca, c’était de l’orage, et pas en peau de lapin, s’il vous plaît, du vrai de vrai, avec les timbales et les cymbales.
L’on avait hésité, c’était encore un peu tôt pour s’arrêter, sans doute, pensez, à peine 17h… Mais on avait commencé tôt, aussi, faudrait pas croire ! Enfin, les épaules, les genoux, les pieds… Allez, c’est déjà bien, va.
Digressons.
Je commence à accorder un surcroît de crédit aux propos que l’on m’a rapporté sur les auteurs et créateurs de cette fameuse HRP : à savoir qu’ils ne l’auraient jamais parcourue en autonomie, mais toujours avec voiture suiveuse, voire… qu’ils ne l’auraient jamais effectuée d’une traite, mais par morceaux !
Pour preuve les horaires aberrants, pour ne pas dire imbéciles (jusqu’à 10h de marche, ou 1700m en une étape ! Ne parlons pas des « piolets-crampons souhaitables » quand ils sont en réalité indispensables, et tellement agréables à ajouter –avec la corde, n’oublions pas !
Revenons à nos grêlons.
La journée avait été parfaite, lacs les uns à la suite des autres... La perspective d’esquiver la descente casse-pattes (dans les 500-600m) pour conclure la journée a plu. L’Estany Gran semblait une grande piscine. 20 minutes plus tard, de gros nuages s’amoncellent, et on ne rigole plus : on se terre sous la toile, et on écoute le concert. Près de deux heures de symphonie. Avec tous les morceaux de bravoure du répertoire : bourrasques, pluie de tout calibre, grêle même, et pas de la petite, tonnerre et éclairs... De tout, pas une cadence d’oubliée, au cordeau, beau travail. A la faveur d’une trouée, on passe le museau hors de la tente, on grignote, on commente, et on se marre : on l’a bien eu, celui-là! Alors, coup de flemme ou coup de flair? Sur ce coup, le Cap’tain Raph ricane dans sa longue barbe...
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31 juillet 2009 5 31 /07 /juillet /2009 21:58
Jour 23, vendredi 31 juillet 2009, au-dessus du Refugi de Pescadores. 21h environ.

Enfin, nous sommes revenus sur la HRP, l’officielle. Et sur le GR. J’avais quitté la HRP à Lescun. Il y a bien longtemps…
Après la première courte étape, une étape courte. En marche pure, du moins. Nous avons laissé notre bivouac idyllique pour tomber tout droit sur… le goudron. Le bon vieux goudron, tueur de tendons, écraseur de talons… Et ce pendant environ 4h. Rien à faire, pas de solution alternative. Et la perspective de 3 à 4 heures de piste inconfortable. Sauf si… Sauf si nous attrapions la navette au vol, ce large minibus brinquebalant, qui nous déposerait à l’entrée du Parc National. Oui, bon, inutile de tergiverser, les gars n’ont pas été longs à convaincre. Les talons de Chris sont illuminés d’ampoules, et celle qui orne le gros orteil de Matt, véritable célébration d’un début de trek normal, semblait même vouloir s’infecter. Mais ce sont des durs. Tout comme je me doute que mes trapèzes vont prendre le pli, et que la douleur va s’adoucir, ils prennent leur mal en patience.
Le résultat tient donc en deux étapes bâtardes, mélangées, sur de nombreux terrains. Nous sommes descendus de cette navette en songeant que nous aurions certes pu marcher ces 3 à 4 heures supplémentaires, mais que nous n’éprouvions aucun regret.
Demain, une véritable étape nous attend, d’environ 7h de marche. Le poids des sacs a déjà convenablement diminué, et nous nous sommes économisés. Les réserves sont encore là, et bien là. Le moral est comme le ciel : au beau fixe. Les soirées passent en méditations apéritives, conversations et hurlements de rire. Tout va bien.
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30 juillet 2009 4 30 /07 /juillet /2009 21:56
Jour 22, jeudi 30 juillet, 21h35, Bifurcation avant le Refuge de la Rencluse.

Et les copains arrivèrent. Et l’aventure reprit. Parfaitement planifié, le jour dit, à l’heure dite… Un moment magique de bonheur partagé, la camaraderie pure. Tout ce que nous attentions et préparions, enfin à portée. Prêts.
La navette ne devait nous emmener qu’à 10h, nous tuâmes le temps à raconter balivernes et billevesées que nous faisions passer à coups de chocolats, cafés et jus d’orange.
Les réglages d’une grande équipe.
Bien entendu, le plus absurde était au rendez-vous, avec un intéressant manque de coordination au niveau de l’approvisionnement. Pesés, mais surtout comptés, les vivres pourraient nous tenir près de 15 jours dans certains domaines !! Terrifiant. Et épuisant, le prologue de ce nouveau départ l’a montré. Mon trapèze gauche est douloureux, la contraction musculaire a frôlé la crampe. Bon sang. Tout doit commencer ou finir en bouffonnade ?
Ajoutons que le millimétrage de l’opération a également laissé à désirer de mon côté. Je nous croyais partis pour l’Espagne, plein sud. Nous avons fini –et commencé, donc- non point à Bénasque, mais à l’Hospice de France (tout un programme !!), d’où nous pourrions passer le Port de Vénasque, et débouler enfin en Espagne. Un jour de retard, peut-être, mais sans conséquence notable sur le déroulement des opérations ultérieures. En d’autres termes : rationalisons…
Une divine surprise au cœur de cette toujours difficile première heure : une haute silhouette déjà bien connue… Et là-bas, une jeune femme qui entame sans façon la conversation avec Matt… Tracy et Ramona !! Comme le dira Chris : c’est une vraie rencontre, puisqu’elle est confirmée… Embrassades, « hugs »chaleureux… Sans nos hésitations et nos erreurs, nous ne nous serions pas recroisés ! 2motion, encore. Seul ce matin, me voici entouré, furtivement, de pas moins de quatre êtres chers !
Nouvelles : l’infatigable François a dû abandonner, s’étant foulé la cheville au bivouac ou au refuge ! Christophe a poursuivi, pour quelques jours, avant de rentrer. Ils se sont promis d’y retourner, ensemble. De ces camaraderies instantanées, amitiés de tranchées.
Ramona souffre des genoux. Ils ont continué sur la piste, espérant bien me trouver à Luchon, puis se résignant. Et puis les voilà. Amitié instantanée, confirmée. Nouvelles promesses. Nous nous reverrons. Ici ou là-bas. Sur la Route ?
Après cette rencontre, nous décidons de poursuivre en anglais. Chris veut dépoussiérer sa pratique. Matt est toujours partant. Quant à moi…
Passage de col, explosion de ciel bleu. Lac. Lacs. Sommet d’amitié. L’aventure au cœur, l’amour aux lèvres. Nous campons au cœur d’un réseau touffu de terriers de marmottes, grosses mères qui s’enfuient devant nous. Nous méditons. Le vent nous sèche et nous berce debout. Nous causons. Puis la tente. Le repos, tandis que seul le vent vient nous rappeler où nous sommes. Au milieu d’une montagne. Sous une lune glacée, blanche comme le glacier dont elle semble un sérac tombé ascensionnellement.
Ce soir, j’ai enfin quitté Luchon. Mon ami Eugène Kouchkine s’y trouve encore, et mes amis Tracy et Ramona ont peut-être trouvé l’emplacement même où j’ai longuement paressé. La Route m’a déjà gâté. Et nous en sommes à la moitié du chemin…
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29 juillet 2009 3 29 /07 /juillet /2009 21:55

Jour 21, mercredi 29 juillet 2009, 08h10, avec Flash-Back ou résumé de l’épisode précédent.

Peu et beaucoup à dire. J-1, enfin !
Nouveau départ ou simple reprise ?
Difficile à trancher. Sûrement un peu des deux. En tout cas, l’envie est intacte. Les genoux aussi prêts qu’ils pourront l’être. Je les sens encore un peu, mais on ne saurait appeler cela de la douleur. Et puis, en y allant doucement, comme prévu, ça devrait passer. Il le faudra ! Les copains arrivent demain, et nous rêvons tous d’une belle équipée qui se terminera dans la mer, sans pour autant tomber à l’eau.
Comme je l’ai répété, une fois qu’ils seront là, plus de raison d’échouer.
Quant à moi, j’enrage peut-être vaguement de ne pas avoir complètement rempli mon pari personnel. Mais quoi dire ? Ces pages en témoignent en toute sincérité, il n’y a qu’à les relire. A la Pierre Saint-Martin, je pensais reprendre normalement le chemin. Et je sais parfaitement que si j’avais poursuivi, j’aurais tout bonnement dû abandonner. Je n’ai pas abandonné. Je suis toujours sur cette foutue piste. Sur la Route.
Et puis, l’aventure aura pris d’autres tournants, et ma foi, c’est plutôt amusant. Plaisant. J’aurai même eu le plaisir de deviser dans la chaleur soufrée et étouffante du Vaporarium de Luchon avec l’excellent Professeur Kouchkine. Hasards de la vie aussi surprenants que loufoques.
Bref, j’ai appris. En 1996, lors de notre virée dite de la « Montagne de la Coquille », Matt et moi avions dû cesser l’aventure au 3° jour, la rage dans l’âme, épuisés par un finale d’une quarantaine de kilomètres de goudron. Cuits, que nous étions ! Pouce en l’air, autostop. Une jolie blonde nous avait emmenés jusqu’à la gare la plus proche, et de là, retour à la base.
Cette année, je n’ai pas arrêté, j’ai suspendu. Nuance !
C’est curieux, je continue de m’auto-justifier, mais personne ne m’en demande autant. D’ailleurs, je ne crois pas que j’accepterais une quelconque réflexion sur le sujet. Alors à quoi bon ? Pour moi-même, peut-être. Peut-être qu’après 10 jours à ne rien faire, à me reconstituer et me soigner, à examiner et juger froidement de ma décision, et l’avoir confirmée, acceptée avec la clarté de l’évidence, je conserve une petite trace de morsure de frustration. C’est bon signe. C’est sain. C’est très motivant. A l’attaque, maintenant.

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27 juillet 2009 1 27 /07 /juillet /2009 21:53

Jour 19, lundi 27 juillet 2009, 20h44. Same place. Vautré sous la tente, car la petite bruine et la fraîcheur sont revenues.

L'histoire retiendra que j'ai atteint l'âge du Christ (qui n'émeut guère le mécréant en moi) au moment de passer à la caisse d'une supérette. C'est encore une nouveauté!
Je me rappelle qu'en 2002, j'eus 26 ans en Islande. Nous étions plus ou moins coincés sous la tente, ou nous attendions le moment propice. A l'heure dite, j'étais assis face à un magnifique paysage de baie, sous un ciel gris sombre. Je me l'étais offert à mi-voix. Puis, j'étais rentré à la tente, où Bruno et Matt m'avaient réservé une surprise (chocolat et schnapps, si je me souviens bien).
En 2000, j'avais eu 24 ans en pleine montagne, Chris, Guillaume, Vincent, Matt m'avaient également rincé la dalle à la fameuse flasque de Matthieru. Il faisait froid, nous étions hors-sentier, et nos rires n'éveillaient que les pierres.
Il s'agit peut-être bien du tout premier anniversaire que je passe -physiquement- seul. Les appels se sont succédés, les messages, les e-mails, les graffitis du mur de Facebook...
Comme je le dis toujours, j'oublie souvent les dates d'anniversaires des autres, même des proches. Et quant à l'âge, je n'en fais pas grand-cas. L'homme que je suis botterait les fesses du blanc-bec que j'étais, c'est tout ce qui compte. Je ne vois absolument pas pourquoi cela changerait.
Quant à la vie... J'allais écrire « la vie que j'ai choisi », mais choisit-on seulement? Cette vie-là m'a choisi, elle m'a flatté les naseaux dans mon pré. Pouvais-je y résister?
Moi qui n'ai pas de religion, j'ai un surcroît de méfiance quant au concept même de révélation. Trop facile, trop beau pour être vrai.
Cependant, j'ai connu quelquefois la clarté absolue, l'évidence, le bonheur fulgurant de savoir que, bonne personne au bon endroit et au bon moment, j'allais dans la bonne direction. On est alors envahi par la certitude, et le monde même semble acquiescer sur notre passage.
Et puis aussi, parfois, c'était finalement une piste forestière qui ne menait nulle part. Alors il faut revenir en arrière et redéployer la carte.
Joyeux anniversaire en vérité, car je connais la joie.
PS : Etrangement, alors que j'y pense plus que souvent, mon égoïste anniversaire me fait oublier, quelques heures au moins, que Grand-Mère est morte ce même jour, il y a quatre ans. Matt et moi nous hissions tant bien que mal sur l'aiguille des Chamois.
Grand-Mère m'a légué une partie de son « encombrante mémoire ». Goût des dates, jeu des distances et du temps. Des coïncidences qui ne sont que des coïncidences.
En voilà une alors. Comme si nos deux vies devaient connaître une nouvelle jointure tangentielle, faire que l'anniversaire de sa mort ne soit jamais si triste pour moi, et que jamais l'oubli n'écarte nos trajectoires.
Une belle coïncidence, en un sens.
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26 juillet 2009 7 26 /07 /juillet /2009 07:29
Jour 18, soit dimanche 26 juillet 2009, 22h57, même endroit.

Et bien sûr, je n'ai pas résisté et me suis recollé pile au même endroit de la plage. Pas que l'endroit soit meilleur qu'un autre. Sans doute que, puisque je l'avais choisi hier, j'allais m'y replacer, me fabriquer une habitude.
Et bien sûr, je me doutais bien que je verrais ressurgir ma brochette de volailles. Curieux, cet âge. Le mien, j'entends. Assez jeune pour trouver objectivement émoustillantes les plastiques de ces pépées, assez vieux pour commencer à trouver qu'elles exagèrent, à leur âge, tout de même. Rien d'Humbert Humbert chez moi, qu'on se rassure. Encore qu'à écouter leur babil néantogène, je me remémore certaines pages de Nabokov, notamment le trouble du personnage, conscient à la fois du monde qui le sépare de la petite dinde tandis qu'elle l'attire.
Mais bon, franchement, là, faudrait fournir un effort surhumain. Passe n'importe quelle nana, plante, beauté, bref : FEMME, et ces petites disparaissent. L'idée me fait sourire plus d'une fois, en imaginant leurs mines écoeurées si l'événement venait à se produire.
Bah, je tourne à vide, sans doute. Ca ne m'empêche pas d'observer. C'est amusant. Comme ce type, là-bas. Il campe diagonalement opposé à moi. Je l'ai sans doute vaguement salué, et retour. Je n'ai compris qu'il était seul que ce soir. Rien à voir avec mon bivouac, il a apporté table et chaise. Chaise unique. Peut-être a-t-il randonné aujourd'hui.
J'écoutais Ry Cooder et Ali Farka Touré, et le soir m'était presque dévoilé, il s'était débarrassé de la soirée. Je me redresse, m'apprête à me coucher pour poursuivre mes lectures. Je tourne la tête. Ici, les Cévenols qui discutent en famille. Derrière moi, les Toulousais du premier soir, de retour. Et là encore, Célia et Marie, qui jouent et trottinent sur leurs trottinettes.
Et là-bas, ce type, assis à sa table, qui regarde les arbres se rendre à la nuit. Peut-être est-ce un homme seul, ou un homme qui a tout perdu, ou perdu tous. Tous perdus. C'est peut-être, en vacances, ce « most peculiar man » de Simon & Garfunkel, venu voir la montagne et mourir.
Ou bien c'est un homme qui apprécie la chaleur sèche du soir, du soir qui résiste au sommeil. Le blues de Ry et Ali est lent, et l'air est au moment. Je hoche la tête vers le type, qui ne me voit pas, et me rallonge sous mon arbre, pour profiter de la chanson, jusqu'à la dernière bouffée.
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25 juillet 2009 6 25 /07 /juillet /2009 07:27
Jour 17, samedi 25 juillet, 21h43, même endroit, donc c'est-à-dire sous la tente, tandis qu'une bienfaisante fraîcheur tombe avec le soir.

Commençons par le marquant, et sacrément encore! Alors que je ne me hâtais pas pour rentrer, mes courses au bout des bras, à me préparer une nouvelle tentative de dégustation de bière au Patxaran (qui avorta encore, n'ouvrent donc jamais, à la Bodega?), une silhouette et une figure familières, mais que je laissai presque échapper, m'attendant si peu à trouver qui que ce fût de familier sur mon chemin. Quant à lui, toujours impressionnant en la matière, l'éclair flou de reconnaissance le frappe également. Le fameux professeur Kouchkine, l'une de nos bien-aimées, passionnées et pittoresques figures de l'université d'Amiens! Ah, vertes années de licence (dix ans déjà, pardon, onze!)! (Oui, car il y a dix ans tout rond, je soutenais mon mémoire de maîtrise devant lui).Aussistupéfaits l'un que l'autre, nous échangeons quelques nouvelles, et surtout prenons coordonnées en vue d'un rendez-vous.
Surprise invraisemblable, hasards de la vie.
A quelques secondes près... Il vient chaque année prendre les eaux, avant de s'envoler pour la Russie, puis retour à Amiens... « La barbe vous sied! » me dit-il.
Il n'a pas tort. Enfin, je crois être très chanceux avec ma trogne, que j'ai longtemps cru être le seul à tolérer. Presque tous les « looks » me vont plus ou moins, et puisque le cheveu se fait rare, la marbe ne me fait pas défaut, c'est toujours ça. Les petits enfants s'en amusent beaucoup, comme les petites Célia et Marie, qui me surnomment M. Barbichette, elles qui me contemplent en train de dîner comme au spectacle. Leurs grand-mères les rappellent, mais nenni! Bien plus drôle de causer avec moi, semble-t-il.
Témoin également ce petit bonhomme qui se vient brosser les dents non loin de mon lavabo. Nous brossons, se trouve-t-il. Un clin d'oeil, quelque chose passe. Le brossage tourne au concours. Je crache la bouillie mentholée, et le voilà bien embêté! Il vient nettoyer sa brosse dans mon lavabo, sur mon invitation.
Mais allez donc savoir pourquoi les mômes m'aiment, moi qui ne gazouille ni ne babille, ni ne trimballe nul portrait d'enfant d'amis avec moi! Allez savoir. Peut-être sentent-ils que je n'ai rien contre eux.
Testé le bar... Bon, toujours pas de nom, mais c'est juste attenant aux thermes, vous trouverez bien tous seuls. Ambiance assez relâchée, populaire, bière blanche à la pression -mais un peu chère-, radio latina à fond (pas si désagréable en contexte). Testée aussi, la piscine. Marrant que je n'y aie traîné mes guêtres plus tôt! Bassin correct, mais longueurs impossibles, faute de lunettes (je brasse coulé), et en raison de l'incessant concours de plongeons. « Plage » herbeuse, population jeune. Je cuis et je lis. Je me suis posté à proximité de quatre jeunes filles, d'âge indiscernable à 20 pas pour un myope, déception à l'arrivée : un banc de mo... de nymphettes, pardon. Ce serait le terme adapté à l'aquatique contexte. Midinettes eût eu son charme, tant elles minaudent sous les regards et les approches timides de quelques jeunots. Moi, je ris dans mon longue barbe et m'enfonce casquette à marques de sueur sur mon crâne dégarni, et lunettes sombrissimes pour lire Kawrence tout en leur prêtant l'oreille.
C'est pas décevant, c'est pire! Du Riad Sattouf sur des heures. Désolé de le dire. Cliquetantes de breloques dorées, affichant moues de starlettes pour un vocabulaire de poissardes, leur affectation n'atteint jamais la grâce.
Quand les midinettes sont-elles devenues, pardon du mot, des pétasses?
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24 juillet 2009 5 24 /07 /juillet /2009 07:26
Jour 16, Vendredi 24 Juillet 2009, 21h53, même endroit (en même temps, je vois pas vraiment où...)

Le bar « Chez Manu » semble un bon rapport qualité/prix, puisqu'on y sert (plutôt bien) de la Pelforth pression pour dix centimes de moins que la Kro générale. Ah, c'est moins cosy que le Métropole, son ambiance de salon-restaurant d'hôtel (c'est un hôtel, en même temps), sa serveuse suffisante (la vache!) et son patron contrevenant à toute réglementation décibélique et à toute raison. Bien simple, il ne parle pas, il brait. Ca jure dans le cosy.
Chez Manu, ce n'est pas non plus ce bar à décor lounge -et pas louche- où se prélassent de belles pétasses, dont la patronne est britannique (voir épisodes précédents, je n'ai toujours pas noté le nom). Non, Chez Manu, on a installé des écrans plasma énormes pour suivre le Tour de France, et ce sont de fiers maçons et agriculteurs qui viennent se fraîchir le cuir, fumer la clope et causer trajets, ciments, chantiers. ON porte la moustache, des pantalons de travail, et la transpiration de plein air porte jusqu'à deux tables d'écart. Sans doute pas chez Manu que je rencontrerai une passade d'été, du moins pas celles que je voudrais! Enfin, c'est la vie.
Demain, si le temps le permet, j'essaierai la piscine. Pour l'eau, pas pour les passades avec les naïades. Bof, quoique...
Sinon, que dire? Chaque jour est presque le même, et comme il n'y avait pas tant à se plaindre du précédent, faudrait être gonflé pour pester aujourd'hui, ou appréhender demain. Je me suis rappelé cette autre époque, juste avant de partir, ou même n'importe quel moment de cette année passée en préparatifs. Ai-je donc échoué? M'en serais-je rendu compte, si c'était le cas? Et par rapport à quoi, à qui? Pas à moi, puisque moi, j'y étais, j'ai pris la décision. Alors? Par rapport à d'éventuels regards extérieurs? Des copains vanneurs, Bof, ils mériteraient un bon haussement d'épaules. D'autres, qui ne diraient rien sans en penser moins? Que foutre de ceux-là...
Non, ça devait être une idée en l'air, il n'y a qu'à la laisser fiche le camp avec une rafale. De vent ou de AK-47. C'est selon.
Tiens, une citation qui résout peut-être tout, ou pas.
« L'identité est ce que nous laissons en héritage, non ce dont nous héritons. », disait Mahmoud Darwich, qui disait qu'il « habitait dans une valise ». Welcome home. Bienvenue chez moi. C'est-à-dire nulle part.
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23 juillet 2009 4 23 /07 /juillet /2009 07:25
Jour 15 – Jeudi 23/07/2009. Same place, 20h50. Ou 51.

Les invraisemblables rafales de vent s'en sont enfin allées dépoiler d'autres chiens. L'air fraîchit le soir, promesse de sommeil. Pas dommage!
Testé le Métropole. Leffe pression, mais ça se paie plus cher, et puis somme toute, c'est un peu lourd par ce temps. J'eusse dû opter pour une blanche, ou en rester à la Kro. Ne m'en déplaise, la Kro remplit à merveille son office estival.
Parvenu à ne penser que peu, à réfléchir à peine.
Un peu d'exercice le matin, histoire de dérouiller les jointures, lecture de tous les journaux et magazines. Bientôt, retour à plein temps à T.E.Lawrence, dont j'entrevois à peine lesocle d'un des piliers.
JE ris en songeant que j'ai interrompu mon propre gros oeuvre au sommet d'une colline, à Andrinople, la main levée. Déferlement escomptable en septembre.
Un jour comme une heure. « Days like hours... (...) Each time, you start from scratch ».(The Thin Red Line).

L'arbre au pied duquel j'écris doit être un hêtre, le lierre commence à lui protéger la cheville.
Le moral est ce qu'il est. Bon, car je n'en connais pas beaucoup d'autre. Dans une semaine, jour pour jour, nous babillerons en bivouac. Reload, aim, shoot.
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